Patrick Senécal, Malphas T. 1 et 2

Patrick Senécal

Malphas T.1 : Le Cas des casiers carnassiers

Malphas T.2 : Torture, luxure et lecture

Lévis, Alire, 2011 et 2012, 337 et 498 pages

Après s’être abîmé jusque dans les tréfonds de la détresse humaine dans ses quatre romans précédents (en fait depuis Les Sept Jours du Talion), Patrick Senécal a jugé qu’il était temps de s’aérer l’esprit, de rompre avec le désespoir. En écrivant Malphas, l’auteur a décidé de se faire égoïstement plaisir. Imaginez ce curieux croisement : la série télé Virginie absorbée par l’univers de Saints-Martyrs-des-Damnés, le bien étrange film de Robin Aubert…

Le cégep de Malphas, situé à Saint-Trailouin, accueille la lie du réseau collégial québécois, dont le prof déchu Julien Sarkozy. Assumant pleinement les symptômes psychotroniques de sa proposition, Senécal glorifie le grotesque, l’hénaurme. Des personnages unidimensionnels, définis caricaturalement. En misant sur le ridicule et l’humour peu subtil des dialogues, il privilégie la frange adolescente de son lectorat qui appréciera, qui sait, le cadre exutoire de cette école en folie. Le lecteur est entraîné sans nuance en pleine série B, un peu comme dans Oniria, une autre de ses œuvres mineures. Alors que dans ses romans noirs antérieurs Patrick Senécal montrait la voie à suivre, il se contente ici d’imiter des devanciers sans grand talent, se perdant volontairement dans une parade de clichés grossis, qu’il raille exagérément pour peut-être mieux s’en distancier.

Soutenant désavantageusement la comparaison, le caractère baroque et irrévérencieux de cette série fantaisiste évoque le souvenir d’Aliss, sans le caractère initiatique si fondamental. Si le lien avec le roman de Carroll cautionnait la démesure et les entraves à toute vraisemblance, Malphas cherche plus difficilement sa pertinence et ne trouve de fondements que dans la liberté débridée, ce qui confine le roman dans une facilité convenue à laquelle l’auteur, habituellement rigoureux, n’avait jusqu’ici jamais cédé.

Lire Malphas comporte certains avantages : une appréciation de ce qui fait la force des meilleurs romans de Senécal. L’excès de dialogues drolatiques noie ici l’introspection noire. On est ainsi privé de ces soliloques intenses qui font plonger le lecteur dans la débâcle psychologique tortueuse et torturée de l’antihéros. Avec Malphas, Senécal renonce aux instruments mêmes de son succès passé : l’exploitation du thème de la cruauté, la recherche forcenée d’une idée de justice, l’examen de la nature profonde du mal.

Simon ROY

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