Léafar Izen, Le Courage de l’arbre (SF)

Léafar Izen

Le Courage de l’arbre

Paris, Albin Michel (Imaginaire), 408 p.

Thyra est une chercheuse auprès d’un peuple non-égrégorien. En d’autres termes, elle étudie des êtres humains qui ne sont pas reliés à l’Égrégor, réseau reliant l’ensemble de l’humanité qui a essaimé à travers la galaxie. Tout va bien pour elle jusqu’au jour où on lui ordonne de tuer, justement, l’un de ces êtres humains. En refusant de commettre cet acte, elle devient à la fois une cible et un grain de sable dans l’engrenage. Pourquoi voulait-on qu’elle tue quelqu’un ? Mais surtout, pourquoi cet être en particulier ?

Le grand problème de ce roman, c’est le fait que son arrière-monde n’est pas fouillé. Dans cet univers, il existe un arbre, les Phytoïdes de Kartz, qui s’implante un peu partout et, comme par magie, terraforme les planètes pour qu’elles soient adaptées aux besoins des êtres humains. Dès le début de la lecture, on se dit que ce mystère fort alléchant sera la clé de l’énigme, mais non. On aura droit à trois ou quatre autres possibilités avant de tendre vers une finale qui mélange un peu tout. Et ce n’est pas à l’avantage du roman.

Le personnage principal, Thyra, a le même problème : elle apparaît dans l’histoire avec un passé réduit au strict minimum pour nous expliquer où elle est et ce qu’elle fait. Et par la suite, on ne saura rien de plus. Qui est-elle, qu’est-ce qui la motive, pourquoi agit-elle comme elle le fait ? A-t-elle des passions, des goûts, des dégoûts, des doutes, des ambitions ? Le peu que le roman distille n’est pas suffisant pour nous donner une personne en chair et en os que l’on aurait envie de suivre dans ses aventures. Comme elle est surfaite, on peine à entrer dans le reste de l’intrigue.

Cela dit, elle reste quand même mieux définie que l’autre protagoniste du roman, Roonis, un être réduit à son désir pour Thyra et à son univers de jeux vidéo. Il y a une agression sexuelle dans le roman, mais c’est présenté comme étant l’expression du désir de Roonis pour Thyra. Bref, beaucoup de grincements de dents au niveau de la relation de ces deux-là.

Comme il n’y a pas de bons personnages, les détours de l’histoire ne réussissent pas à atteindre le lecteur. Thyra vit un immense changement de paradigme par rapport à l’univers dans lequel elle vit ? Ça passe en un claquement de doigts. À peine un paragraphe pour nous dire qu’elle trouve ça étrange et elle s’adapte, point. On passe à l’étape suivante qui ne laissera pas une marque plus profonde sur elle. Et ainsi de suite.

Pourtant l’auteur avait des idées et du bon matériel sous la main. La simple idée des Phytoïdes de Kartz et leur impact à long terme sur l’humanité, l’expansion humaine à travers la galaxie, l’émanation, un concept à la Carbone modifié mais sans toute la réflexion sur le lien corps/esprit qui rendait cette œuvre fascinante, l’Égrégore et les artéfacts (quel nom mal choisi) qui permettent de relier l’ensemble de l’humanité de façon instantanée… Ce qui manque, c’est l’exploration de ces idées, de leurs implications et de leurs conséquences. Le roman nous balance une nouveauté, l’utilise à peine et passe à la suivante.

Le style de l’auteur n’est pas mauvais, mais gagnerait à lâcher le tell, qui accapare une partie du récit. Sans être agaçant, il est évident que de longues explications sont nécessaires pour présenter chaque nouveauté, alors qu’il aurait été plus simple et plus efficace de nous les faire découvrir dans l’action. D’autant plus que ça contribue au sentiment de déconnexion des personnages que l’on éprouve à plusieurs occasions.

La lecture m’a laissé l’impression d’un premier jet qui aurait eu besoin d’une bonne taloche pour donner son plein potentiel, parce que du potentiel dans les idées, il y en a. Ce travail n’a pas été fait, visiblement. Dommage.

Mariane Cayer

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