Mylène Goupil, Le Détonateur (SF)

Mylène Goupil
Le Détonateur
Montréal, Fides, 1992, 198 p.
Tenez vos tuques ! Ce roman, c’est du pas ordinaire ! Et surtout, ne vous attendez à rien de très régulier : la seule règle passe par l’imaginaire et l’originalité. Même l’intrigue y est subordonnée. Ne vous étonnez donc de rien et, surtout, ne lisez ce livre en public que si vous ne craignez pas de rire à gorge déployée devant tout le monde.
Justement, c’est de gorge dont il est question. Le maître de musique Stratocumulus n’est qu’un réparateur passant le plus clair de son temps à écouter son propre répondeur expliquer à d’éventuels clients qu’il est en voyage à Paris. Jusqu’au jour où Carlo Marconi, l’imprésario le plus en demande sur la planète, l’appelle pour lui demander un service.
La mission de maître Stratocumulus sera de guérir Merise, la chanteuse la plus populaire de l’année, qui souffre d’une extinction de voix peu banale : le sel des larmes ravalées par Merise s’est déposé sur les diamants de sa gorge et en ternissent l’éclat… N’avais-je pas dit qu’il fallait s’attendre à tout ?
Après le succès de l’opération, Carlo Marconi recourt aux services du maître pour régler le problème du procureur Igor Gonzola, dont la célèbre corde vocale parvient à influencer tous ceux qui l’écoutent. Alors il vient à l’esprit de Stratocumulus de prendre à l’orateur sa corde vocale et de la remplacer par une corde métallique.
Mais la corde vocale du procureur ne suffit pas à maître Stratocumulus, il convoite aussi celles des plus grands chanteurs et des vedettes les plus populaires, puis décide d’entreprendre une carrière triomphale avec l’aide de l’imprésario Marconi.
Bien que racontée d’une façon humoristique, l’histoire n’en demeure pas moins très sérieuse. L’auteure nous décrit une société cruelle régie par l’argent, où les procès sont des spectacles courus, où l’esclavage est permis et où la voix humaine sert à s’enrichir. Tout le monde veut être populaire, mais il n’est pas facile de devenir riche et célèbre quand on veut en plus améliorer le sort du monde, comme le souhaite maître Stratocumulus : il y a des choix à faire.
Pourtant, s’il n’en tenait qu’à cela, Le Détonateur ne se démarquerait guère d’autres romans qui l’ont précédé. Ce qui en fait une œuvre si intéressante, c’est le style de l’auteure. Elle arrive à nous faire rire ou sourire à toutes les pages, en jouant avec les tournures de phrase et en les prenant au pied de la lettre, de manière loufoque, en situant son histoire dans un monde fantaisiste évoquant celui des Loony Toons, avec ses ampoules timides, ses étagères chatouilleuses, ses guitares douées de sentiments…
C’est cet humour irrésistible, tout à fait absurde, qui fait du roman un vrai petit bijou. Et, curieusement, le côté drôle de l’histoire ne vient que renforcer le côté sérieux afin de rendre le message encore plus évident. Il est impossible de croire à ce monde et ses personnages, mais il est aisé de s’identifier à la situation. À la fin, on a beaucoup ri, certes, mais on en retire autre chose : une réflexion sur le pouvoir de la voix et sur le monde du show-business.

Julie MARTEL

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