Frédéric Raymond, Pornovores (Fa)

Frédéric Raymond

Pornovores

Sherbrooke, Les Six Brumes, 2019, 163 p.

P.-A., un informaticien qui travaille pour Nukleus Computing ne sait pas trop comment réagir lorsqu’il apprend qu’une productrice de films pornographiques emménage dans l’immeuble de bureaux où se trouve son employeur. Mais lorsqu’il fait la rencontre d’Erin Pink, la propriétaire de The Porn Shop, il tombe rapidement sous son charme, et l’attraction semble réciproque. Mais tous deux ignorent l’histoire tragique qui est liée aux nouveaux bureaux de Pink, et alors qu’une romance se dessine entre eux, d’étranges phénomènes se produisent dans les locaux de The Porn Shop, et leur intensité va en augmentant. Est-ce que P.-A. et Erin pourront lever le voile sur ce mystère macabre avant qu’il soit trop tard ? Et qu’y a-t-il de plus beau qu’un amour qui refuse de mourir ?

D’après la quatrième de couverture, Pornovores est « un roman d’horreur érotique habité d’une âme romantique ». Et Frédéric Raymond parvient à maintenir le fragile équilibre entre le gore, l’érotique et la romance tout au long des 163 pages du récit. L’auteur prend le temps d’installer l’ambiance, de présenter ses personnages et d’approfondir leurs relations et leur psychologie. Lorsque tout est en place, il intègre avec fluidité et maîtrise un élément fantastique qui déroute même le lecteur habitué au genre, le menant sur plusieurs fausses pistes avant l’horrible révélation finale.

Les scènes d’horreur, comme les touches érotiques, sont menées d’une main de maître par Raymond, qui nous propose des descriptions extrêmement vivantes, où les divers fluides corporels sont déversés sans compter. Quant à l’histoire d’amour, elle est crédible et permet certains passages réellement touchants, entre deux moments complètement gores. Si la fin peut surprendre, il faut revenir à la description offerte par la quatrième de couverture pour convenir que l’auteur a tenu parole jusqu’au bout !

Je disais plus haut que les personnages sont bien présentés et qu’ils ont une profondeur psychologique intéressante. Toutefois, c’est là que réside le seul bémol que j’ai noté dans ma lecture. En effet, certains personnages secondaires tombent dans la caricature un peu facile. Je pense surtout au concierge cochon, au patron intransigeant de P.-A. et au meilleur ami, éternel célibataire et jaloux de l’informaticien amoureux. J’aurais aimé qu’ils soient plus nuancés, qu’on puisse réellement s’attacher à eux.

Par contre, Raymond se rachète amplement avec Erin Pink, qui brise tous les stéréotypes de l’héroïne de roman d’horreur et de réalisatrice de films pornos. C’est un personnage fort, en ce sens qu’il est complexe et a une personnalité bien définie, qui réagit en fonction de sa psychologie et non pour répondre aux impératifs du genre. Mention spéciale également à Daynise, la plantureuse serveuse à l’Immatériel Café, où Erin et P.-A. se retrouvent à quelques reprises. Voilà un personnage secondaire bien développé, qui est au centre de certaines des scènes les plus drôles du roman, en plus de détenir certaines des clés de l’intrigue.

Pornovores est un roman efficace, qui tient sa triple promesse d’horreur, d’érotisme et de romance, qui plaira probablement aux amateurs de ces trois genres que je croyais plus ou moins irréconciliables jusqu’à cette lecture étonnante. Voilà qui démontre de manière éclatante le talent d’écrivain de Frédéric Raymond, ainsi que la pertinence d’une maison d’édition comme les Six Brumes, probablement le seul endroit où Pornovores pouvait vraisemblablement voir le jour.

Je m’en voudrais de ne pas souligner la couverture à la fois aguichante et angoissante de Steve Bolduc, tatoueur et illustrateur. C’est toujours un plaisir de découvrir un artiste que je ne connaissais pas dans le domaine de l’imaginaire.

Sur une note plus personnelle, c’est la première fois que j’ai affaire à un homonyme comme protagoniste, et c’est particulièrement troublant, mais je serais ouvert à recommencer l’expérience !

Pierre-Alexandre BONIN

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