François Lévesque, La Noirceur (Fa)

François Lévesque

La Noirceur

Lévis, Alire (GF), 2015, 256 p.

Guillaume Kaminski vient à peine de se remettre d’un divorce acrimonieux et douloureux, où il a obtenu la garde complète de sa fille Daphnée. Apprenant le décès de son père, avec qui il avait coupé les ponts il y a plusieurs années, il décide de retourner s’installer avec Daphnée dans la maison familiale. Le problème, c’est que Guillaume a caché de larges pans de son enfance à Daphnée, et cette situation n’améliore pas la relation entre le père et sa fille, déjà tendue à cause de la séparation et du déménagement. Pourtant, tout cela n’est rien en comparaison des phénomènes étranges qui se produisent dans la maison et qui se rapprochent peu à peu de Guillaume et de Daphnée. Survivront-ils au plus grand secret d’enfance de Guillaume, celui dont lui-même ignore tout ?

La Noirceur est présenté comme un hommage au cinéma d’Hitchcock, et on retrouve effectivement le huis clos et la tension dramatique et psychologique chers au réalisateur mythique. Mais ce roman constitue aussi un retour bienvenu au fantastique plus classique, où le lecteur est constamment plongé dans l’indétermination. En cela, François Lévesque démontre un véritable talent lorsque vient le temps de mettre en scène des phénomènes surnaturels que seul le lecteur est en mesure de voir. Cela a pour effet d’augmenter de manière drastique le niveau d’angoisse et le malaise ressenti à la lecture. En cela, La Noirceur est aussi un roman d’ambiance, où il ne se passe pas grand-chose mais où tout se joue dans la psychologie des personnages, et dans la montée dramatique graduelle, mais constante.

Les personnages se révèlent crédibles et bien construits. Celui de Sophie, la meilleure amie de Daphnée, est particulièrement réussi. Les dialogues entre les deux adolescentes sont réalistes et fonctionnent très bien. Là où les choses se gâtent un peu, c’est lorsqu’on réalise que Guillaume a à peu près le même niveau de langage que sa fille, les expressions typiques des adolescents en moins. Les premiers dialogues avec Guillaume donnent ainsi l’impression d’une rupture de ton avec la narration, et bien que l’auteur ait visé le réalisme, il reste que le niveau de langue de ce personnage constitue un agacement mineur. Par contre, la progression psychologique de Guillaume et de Daphnée est très bien amenée, aidée en cela par l’alternance des chapitres narrés par Guillaume et ceux l’étant par Daphnée.

Lévesque parvient à garder le lecteur à l’affût tout au long de sa lecture, en distillant patiemment les indices, les apparitions et autres phénomènes étranges. Là aussi, la montée dramatique rappelle les films d’Hitchcock, jusqu’à la finale, où on entre cette fois de plain-pied dans le fantastique. Au risque de tomber dans le cliché, les dernières pages de La Noirceur vous tombent dessus comme une tonne de brique. Les éléments se mettent en place et le lecteur a droit à l’ultime révélation, patiemment préparée tout au long du récit. Même si nous sommes loin des finales explosives de Patrick Senécal, il n’en reste pas moins que la chute est puissante et en phase avec le récit.

François Lévesque nous offre ici une œuvre mature, qui prend son temps et qui ménage ses effets. Mais l’intrusion intermittente de phénomènes étranges dans la routine des Kaminski, l’évolution psychologique de Guillaume et de Daphnée, et la finale du roman donnent le ton. Une lecture troublante, dérangeante, mais surtout incontournable, pour les amateurs de fantastique à l’ancienne.

Pierre-Alexandre BONIN

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