Carl Rocheleau, Benoît (Cobayes -4) (SF)

Carl Rocheleau

Benoît (CoBayes)

Boucherville, De Mortagne, 2015, 320 pages

Pour les fidèles lecteurs de Solaris, la série Cobayes ne vous est pas inconnue. Dans les précédents numéros, j’ai partagé mes impressions sur les trois premiers tomes (Anita, Sarah et Sid, Yannick). Pour les autres, ceux et celles qui tiennent pour la première fois dans leurs mains tremblantes notre revue, voici un bref résumé du concept de Cobayes : sept auteurs proposent autant de romans concernant des tests pharmacologiques qui font sombrer leurs cobayes dans l’horreur. Chaque livre peut se lire de façon indépendante mais il est davantage intéressant de s’offrir la vue d’ensemble, car il y a des liens (parfois évidents, parfois plus subtils) entre les sept tomes.

Nous voici donc devant Benoît, le quatrième patient – lire ici victime – d’AlphaLab, cette compagnie aussi obscure que tentaculaire (ce que nous découvrons au fil des livres) : jeune cinéphile – que dis-je, un cinévore plutôt –, c’est un passionné de film qui tombe en amour avec Mini, une artiste visuelle. L’existence de Benoît est de plus en plus merveilleuse… à part du côté financier. Il peine à payer ses cours en cinéma jusqu’à ce que sa nouvelle flamme – déjà la femme de sa vie – remarque une petite annonce dans le journal : Cobayes recherchés pour une étude. 8 000 $ de récompense

Si Benoît de Carl Rocheleau raconte une histoire d’amour, elle n’est pas parfumée à l’eau de rose. Pas de dentelles non plus. Que du vrai. Exit Ken et Barbie, voici du vrai monde, un couple qui pourrait exister et auquel on tient en tant que lecteur… mais comme c’est un roman d’horreur, rien ne dit qu’ils vivront heureux et auront de beaux enfants…

J’adore la plume de Rocheleau autant dans ses nouvelles que dans ses romans. Je dois avouer qu’avec Benoît, il s’est surpassé. Est-ce du côté des descriptions, des ambiances, de la psychologie des personnages, des retournements de situation inattendus… je ne saurais mettre le doigt dessus mais c’est sans doute un peu de tout ça.

C’est un véritable délice pour les amateurs de cinéma, en particulier des films de Tarantino. Les nombreuses références et clins d’œil bien intégrés au récit nous annoncent – sans gâcher aucune surprise fort heureusement – ce qui s’en vient mais pas nécessairement de la façon qu’on prévoyait. De plus, le protagoniste partage avec le lecteur les nombreuses idées de scénario qui lui viennent en tête au fil du récit : nous suivons donc son évolution (ou dévolution) psychologique via ses écrits griffonnés dans son petit calepin, ce qui me semble fort judicieux de la part de Rocheleau. Une manière efficace de montrer – plutôt que de simplement dire – l’état d’esprit du personnage.

Dès les premières pages, les personnages se révèlent très attachants, on les sent bien vivants comme des voisins ou des amis dont nous ignorions le sombre destin – ou plutôt, que nous ne savions pas aussi sombre. On croit à ce couple qui se forme et on a envie de pleurer lorsque l’horreur dévore l’amour.

Plusieurs retournements de situations attendent le lecteur et viennent pimenter la lecture de surprises intéressantes : plaisantes pour l’amateur d’horreur mais assurément sources de malaise pour les cœurs sensibles…

Rocheleau réussit à offrir l’équilibre nécessaire à toutes histoires d’horreur : assez de psychologie, juste assez de gore mais pas trop (il a compris que trop de gore transforme une scène qui se devait dérangeante en tableau d’un ridicule grandiloquent) et un bon suspense qui s’accentue au fil des pages pour maintenir l’attention du lecteur – et la tension aussi d’ailleurs.

J’affirme sans hésitation qu’il s’agit du meilleur roman de la série Cobayes paru à ce jour. En fait, si vous ne deviez en lire qu’un seul, ce serait Benoît. La barre est haute pour les trois prochains…

Jonathan REYNOLDS

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