Patrick Senécal, Malphas T.4 : Grande Liquidation (Fa)

Patrick Senécal

Malphas T.4 : Grande Liquidation

Lévis, Alire (GF), 2014, 587 pages.

Te voici à la dernière manche d’un match. Mais pas n’importe lequel. Celui qui se joue entre toi, lecteur, et Patrick Senécal, l’auteur. Et je ne te parle pas de baseball ou de hockey.

Non, je te parle de littérature, ma chouette.

De la série Malphas, pour être plus précis. C’est normal si tu ne savais pas trop ce que je voulais dire… On est toujours perdus quand on revient de Saint-Trailoin. Surtout après trois visites.

Tu as donc survécu à ces premières manches : Le Cas des casiers carnassiers (2011), Torture, luxure et lecture (2012) et Ce qui se passe dans la cave reste dans la cave (2013). Et, avouons-le, ça a été tout un match. Assez trash, merci !

Maintenant, tu te demandes si tu dois continuer, si tu acceptes cette dernière invitation de Patrick Senécal à Malphas, et tu te poses des questions : est-ce que ce quatrième tome de sa série Malphas tient la route ? Seras-tu satisfait des révélations qui t’attendent lors de cette ultime visite dans le collègue maudit ? L’auteur, en écrivant quatre tomes, a-t-il trop étiré la sauce, comme on dit en bon québécois ? C’est ce que nous verrons, une fois que je t’aurai résumé Malphas T.4 : Grande Liquidation, titre aussi évocateur que prometteur.

Au fait, si tu n’as pas lu les autres tomes, arrête tout de suite de me lire parce que 1) ça va te vendre des punchs 2) tu risques de ne pas trop comprendre et 3) parce que, ma chouette, ce n’est pas très futé : le démon Malphas pourrait le savoir…

Dans le troisième tome (Ce qui se passe dans la cave…, cf. critique dans Solaris 189), Julien Sarkozy, le professeur-qui-se-déteste-autant-qu’il-déteste-la-race-humaine-à-part-les-belles-femmes-bien-entendu a réussi à descendre dans le sous-sol de Malphas, cégep aux milles malheurs. C’est tout en bas qu’il a découvert les mutants, ces êtres presqu’humains et Justine Archlax, au destin tragique de mère pondeuse, enfermée dans une cage, juste en dessous du fameux local du club de lecture sanglant (Quoi ? Tu n’as pas encore lu Torture, luxure et lecture ? À la cave, avec les autres !). La curiosité de Sarkozy a amené les Archlax, père et fils, à le menacer de quitter pour toujours la ville de Saint-Trailoin et surtout de ne plus jamais approcher le cégep. Sinon, ils tueront son fils. Malgré tous ses travers, Sarkozy se soucie du sort de sa famille. Il accepte de cesser ses investigations et de retourner sagement à Drummondville…

…mais ironie du sort, sa femme et son fils déménagent en France ! Sarkozy, ne craignant donc plus pour leur vie, prépare son retour à Saint-Trailoin. C’est que le temps passé dans sa nouvelle vie ne le comble pas : ce qu’il veut vraiment, c’est comprendre ce qui se passe dans ce Cégep maudit (ou maudit Cégep, comme tu préfères). Comment pourra-t-il revenir sans se faire reconnaître ? Aussi, il aimerait retracer son collègue Simon Gracq qui semble disparu dans la nature. Et revoir la belle mais mystérieuse Rachel Red… Et oui, elle l’obsède toujours, presqu’autant que les parcelles de vérité qu’il lui reste à découvrir sur le plan des Archlax… Au fond, Sarkozy n’est pas tellement différent de toi : il veut ce qui lui échappe. Mais cette fois-ci, ça lui sera peut-être fatal.

Je dois te préciser que je ne suis pas un amateur de série, d’habitude. Mais avec Malphas, je vois plus cela comme si Senécal donnait à ses lecteurs, amateurs de fantastique à la fois horrifique et ludique, des versions longues d’Aliss ou d’Oniria. Du bonbon, en quelque sorte. Et j’aime les bonbons. Très juteux. Et rouges.

Rouge. Toi, tu penses à la Reine ? Moi, ça me fait penser que les événements de Grande Liquidation se déroulent en plein dans le printemps érable. Tu te demandes pourquoi je te mentionne ce détail ? Quand tu l’auras lu, tu comprendras.

Même si ce roman compte presque six cents pages, tu n’auras pas l’impression que Senécal étire la sauce dans des détails inutiles. Parce que, tu verras, il s’en passe des choses dans ce dernier tome. Des drôles, des moins drôles et des carrément pas-catholiques-et-même-over-the-top ! Tu pensais que tu savais tout, après trois tomes, sur les secrets de Malphas ? Détrompe-toi, ma chouette, il y a encore bien des maléfices auxquels tu n’as pas encore assisté et des personnages qui n’avaient pas dévoilé au grand jour leur vraie motivation… Tu veux que je te donne des noms ? Je vais être gentil avec toi et t’en donner un : Rachel Red.

Avec Grande Liquidation, Senécal tient ses promesses tout en ne perdant pas la main côté suspense : il sait comment et quand te surprendre. Même si tu sais que ça va saigner, tu ne sais pas comment et quand. Tu me plais bien et c’est pour ça que je ne serai pas avare de secret avec toi… sans te gâcher le plaisir. Tu passeras par toutes sortes d’émotions avant cette fameuse boucherie annoncée par le titre, comme un bon spectacle auquel tu as envie d’assister depuis longtemps. Il le prépare ce massacre, mot après mot, scène après scène, sans jamais brusquer l’intrigue, sans jamais oublier l’ambiance très glauque et les situations inusitées. Et lorsqu’elle arrive, la boucherie, attache ta tuque avec de la broche (ou des barbelés bien rouillés) parce que ça n’arrêtera pas. Je te le confirme : ce n’est pas pour rien que l’auteur a choisi Grande Liquidation comme titre. Pour le plus grand plaisir des fans d’horreur de série B, le sang va gicler de partout et les membres vont voler dans tous les sens. N’oublie pas ton parapluie.

Tu auras droit à quelques scènes tordantes bien pensées comme une blague dont le punch nous surprend. Mais aussi du drame, des moments plus touchants sans tomber dans le kitch. Franchement, ma chouette, tu ne pensais tout de même pas que Senécal faisait maintenant dans le rose ?

Avant de te laisser lire la prochaine critique, je tiens à souligner que ça fait vingt ans que Patrick Senécal partage avec nous ses cauchemars. Et oui, déjà ! En 1994, 5150 rue des Ormes voyait le jour. Et deux décennies plus tard, ce maître de l’horreur et du suspense prouve non seulement que sa plume est toujours aussi noire mais aussi, et surtout, qu’elle a su se diversifier au fil des années.

Une seule question subsiste : après toutes ces années à Malphas, vers quelle destination Patrick Senécal se dirigera-t-il ensuite ?

Jonathan REYNOLDS

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