Michèle de Laplante, Grand-Remous (Fa)

Grand-Remous de Michèle de Laplante illustre bien les pièges de l’auto-édition. Cette nouvelle fantastique n’est pas dénuée d’intérêt, mais les innombrables fautes grammaticales et d’orthographe sabotent le travail de création. Un tel laisser-aller est inadmissible et même la plus géniale inspiration ne saurait l’excuser.

La plaquette de Michèle de Laplante raconte l’histoire d’Antoine Le Fort, un géologue qui fait de la prospection dans la région de Grand-Remous, au nord de Maniwaki. Antoine entretient une passion pour l’étude des pierres, comme d’autres sont coureurs des bois. Il est de la lignée des hommes solitaires pour qui la femme ne représente qu’un fardeau et une entrave à la liberté. Antoine fait penser à Mathieu, le dieu chasseur de Jean-Yves Soucy, ou à un héros d’Yves Thériault qui aurait mis sa sexualité en veilleuse.

Seule la nature compte pour lui, et particulièrement le règne minéral, ce qui n’a rien pour émoustiller les sens. Mais la femme ne fait-elle pas partie de la nature ? Le refuge d’Antoine est violé par une voix qui l’interpelle. Cette voix féminine l’invite à l’amour, lui demande de s’ouvrir à la femme. Antoine reste d’abord sourd à cet appel, puis il finit par se laisser distraire de sa passion pour les pierres et par se laisser envoûter par la voix.

Un jour, il rencontre Maniwaki, une belle Amérindienne ; elle traîne, comme toute sa tribu, une malédiction. Depuis des générations, les descendants de la fille du chef sont tarés, et cette situation se perpétuera tant que la jeune fille n’aura pas détruit la portée d’une jeune femelle lynx, l’emblème du clan. Puis, dans les sept jours qui suivent le grand mois de la pleine lune de novembre, elle doit s’accoupler avec un « visage pâle » de son choix.

Antoine finit par succomber au charme de Maniwaki, qui personnifie la voix qui le troublait. Mais la jeune femme a-t-elle jamais existé ? Il ne l’a plus revue depuis leur nuit d’amour. N’a-t-il pas été qu’un instrument du destin pour redonner à la tribu sa fécondité et sa prospérité ? Antoine ne peut chasser de son esprit l’image de Maniwaki, et il s’avoue finalement son amour pour elle. Il part à sa recherche et est victime d’un accident. Mourra-t-il d’épuisement, ou sera-t-il secouru ? La fin reste ouverte mais Antoine a compris que, en ignorant la femme, il faisait fausse route.

L’intérêt de Grand-Remous tient en grande partie au fait que ce récit est basé sur une légende indienne. Le fantastique québécois s’est peu inspiré de ces légendes au dix-neuvième siècle et dans la première moitié du vingtième. On comprend un peu pourquoi. Elles ne véhiculaient pas cette morale religieuse qui va de pair avec les manifestations du diable et autres suppôts.

Ici, la malédiction du lynx qui frappe la tribu s’explique par les amours secrètes de la fille du chef avec un trappeur blanc qui ne l’épousera pas. Mais la faute n’est pas morale. Elle est culturelle, parce que la jeune femme a transgressé le code social en s’accouplant avec un Blanc. Cette légende montre bien, aussi, l’importance de la fécondité comme valeur sociale de cette civilisation.

Cette recherche d’harmonie avec la nature et ce panthéisme universel ne pouvaient que paraître suspects à l’élite québécoise jusqu’à il y a deux décennies. L’attitude d’Antoine, qui réprime ses désirs sexuels en se lançant à fond de train dans le travail et l’étude, exprime bien le comportement de nos prédécesseurs. Antoine est l’homme d’un ordre ancien qui doit mourir.

Outre le choc de deux cultures, le livre de Michèle de Laplante propose un changement face à l’amour. Elle invite l’être humain à le mettre au centre de sa vie, car il en est le fondement et le principal but. Pour appuyer ce propos, l’auteure utilise une écriture volontiers lyrique, aux effets parfois recherchés, et que le ridicule guette à l’occasion. La nuit d’amour d’Antoine et de Maniwaki est tout un programme :

Nos mains, comme des bêches, hersent nos corps. Nous tombons alors sur un paillis de songes, ivres de nos nudités. Je sarcle sa pudeur et elle bine mon sexe. Nous dépiquons nos chastetés respectives. Quelques murmures intenses m’annoncent notre plaisir réciproque. (pp. 57 58)

Notre géologue nubile aurait-il changé de profession pour devenir jardinier ?

De telles naïvetés sont courantes dans le récit ; il faut les mettre sur le compte de l’inexpérience et du trop grand désir de sincérité de l’auteur. Cela donne comme résultat une histoire romantique qui n’a rien à voir avec les modes du jour. Elle ouvre une avenue, peut-être folklorique mais qu’importe, au fantastique québécois. On la reçoit malgré tout avec une sympathie teintée de bienveillance.

Grand-remous par Michèle de Laplante. Lanoraie, Éditions de la Tombée, 1982, 68 p.

Claude JANELLE

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