115° vers l’Épouvante, de Lazare Guillemot (Fa)

Lazare Guillemot

115° vers l’Épouvante

Paris, Les Moutons Électriques (Les Saisons de l’Étrange), 2018, 202 p.

Singulier pastiche que voilà. S’y retrouvent en 1925 le Père Brown,  perspicace enquêteur papiste des récits policiers de G.K. Chesterton, l’intrépide explorateur Hareton Ironcastle sorti de L’Étonnant Voyage de Hareton Ironcastle (1922) de J.H. Rosny aîné en compagnie de sa fille Muriel, de son neveu Sidney Guthrie et d’Eyrimah, une des mimosées télépathes rencontrées dans cette précédente aventure, contre Tsathoggua, le blasphématoire crapaud géant de Clark Ashton Smith adopté par H.P. Lovecraft, réveillé de son millénaire sommeil marin pour conquérir le monde. Par-dessus le marché, interviennent ses cruels séides, leurs adversaires de la « Cohorte Indéfectible » et le sympathique orphelin Billy Babbridge. Voilà pour l’esprit du roman.

Entamée parmi les monolithes et les hypogées de la Cornouaille britannique en quête d’une série d’artefacts que redoute l’abominable entité, l’enquête progresse grâce aux bonnes volontés, comme ce vieux bouquiniste de Rhode Island, détenteur d’une copie du Nécronomicon de l’Arabe fou Abdul al-Hazred, d’une version non caviardée des Unaussprechlichen Kulten de von Junzt et de trois fragments des Manuscrits Pnakotiques. Après l’attaque dans un salon de thé par un « pustulard » à l’haleine mortelle émanée d’une théière, par des cryptogames carnivores que matérialisent les invocations d’une sorcière et par des « Voormis » psalmodiant d’ignobles répons, elle continue au Mont Saint-Michel, en Cyrénaïque, etc. Voilà pour l’ambiance du roman.

La frénétique aventure se conclue après quelques morts – pas des principaux personnages, rassurez-vous – dans l’Océan Indien d’où est vomi l’indicible crapaud, renvoyé in extremis à ses immémoriales abysses malgré le concours de ses sectateurs. Encore n’est-ce là qu’un maigre échantillon des péripéties, monstruosités et  références qui grouillent joyeusement dans cette parodie. Non sans quelques failles, comme le rattachement au légendaire celtique de Beowulf, héros anglo-saxon ou scandinave. Mais, vous l’aurez compris, ce n’est pas là un docte écrit, même si les lecteurs blanchis sous le harnais jubileront aux allusions à leurs vénérés classiques. Et les autres? Eh bien, ils auront quand même passé un bon moment. Voilà pour le sérieux du roman.

Jean-Pierre LAIGLE

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