Élodie Tirel, Mémoris (SF)

Élodie Tirel

Mémoris

Waterloo, Michel Quintin, 2013, 493 p.

Élodie Tirel est surtout connue pour ses séries jeunesse, Luna et Zâa (dont le premier tome est paru en 2004 chez Milan sous le titre Les Héritiers du Stiryx, réédité en 2012 chez Michel Quintin accompagné des volumes suivants restés inédits). Son premier roman a d’ailleurs mérité le prix Merlin. N’ayant rien lu de cette auteure, j’avais malgré tout quelques attentes après avoir entendu de nombreux commentaires élogieux à l’égard des œuvres de cette écrivaine.

Son dernier roman, Mémoris, raconte l’histoire d’une femme qui se retrouve, complètement amnésique, au beau milieu d’une poursuite. L’AI, l’Armée Internationale, la recherche activement et elle a la chance de tomber sur Éthan, un homme visiblement prêt à l’aider à s’en sortir vivante. Grâce à lui, elle commence à retrouver la mémoire et apprend qu’elle a travaillé au sein de Mémoris, une entreprise qui réalise des expériences ultrasecrètes. Mais l’étau se resserre. Alors que les révélations fusent, le monde autour d’elle s’effondre, car elle se sent prise au centre d’une conspiration qui la dépasse.

Qu’en est-il de Mémoris, la première incursion de Tirel dans le roman pour adultes ? Je m’avoue déçu. Je mettrais tout d’abord la faute sur ce chapitre d’introduction qui ne sait visiblement pas sur quel registre jouer : on est aspiré dans l’histoire grâce à un style haché, mais on décroche rapidement dès que la romance pointe le bout de son nez, une romance amenée de manière si maladroite qu’elle me laisse un arrière-goût amer : leurs regards se croisent, il est beau, elle est belle, c’est le coup de foudre instantané ! C’est bien là le réel problème de ce roman, on ne croit pas un instant à cette idylle insipide. Ainsi, au lieu de développer l’intrigue policière au centre de laquelle se retrouve Sam, la jeune femme amnésique, Tirel préfère parler de pourquoi Sam trouve Éthan si beau et si parfait avec son corps athlétique, et de pourquoi Éthan trouve Sam si belle avec son visage d’un ovale parfait et sa poitrine généreuse. On est ici placé devant les grands dilemmes de Ken et Barbie…

Deuxième faute ? Un personnage principal complètement nunuche – en plus d’être amnésique ! Dès les premières pages, c’est écrit dans le ciel en grosses lettres capitales soulignées en gras que son protecteur mène en fait une double vie : tout au long du roman, Sam se fait suivre par un albinos répondant au nom de Tywan Héatt, anagramme d’Éthan Wyatt. L’introduction de cette intrigue est très malhabile : alors qu’Éthan s’absente régulièrement pour cause médicale, le lecteur attentif se rend vite compte que l’albinos n’apparaît que lorsque Sam est seule. La révélation en fin de roman se veut des plus dramatiques, mais elle ne réussit qu’à faire rire, puisque l’on en connaît l’issue depuis le début.

Et c’est là qu’intervient la troisième faute, l’intrigue, justement. On ne sent à aucun moment le danger que Sam semble courir. Elle est poursuivie par l’AI ; pourtant, elle se promène partout sans anicroche. Pourquoi est-elle recherchée ? Parce que David, un scientifique pour qui elle a travaillé chez Mémoris, désire ardemment la retrouver dans le but d’obtenir l’immortalité. Il organise donc un complot dans le but de récupérer Avel Maury, un complot qui fait des centaines de morts pour la seule vie éternelle d’un homme à la personnalité aussi plate que du contreplaqué. C’est sans parler, aussi, de l’histoire ridicule développée autour du personnage principal qui va de révélations en revirements de situation de dernière minute, avec, en prime, des deux ex machina à la tonne. On nage en plein soap opera !

Au final, on se retrouve devant un roman au style simple et accrocheur, à l’histoire prometteuse, mais au développement facile, bourré de clichés et d’incohérences ; ce qui est dommage, car les deux derniers chapitres, efficaces en diable, prouvent qu’Élodie Tirel aurait été capable de nous offrir une œuvre à des milles de ce que l’on tient entre nos mains. On a souvent l’impression que l’auteure désirait s’adresser à un lectorat adulte, tout en ne sachant pas comment se débarrasser des scories de la littérature jeunesse. Grâce au style fluide de Tirel, je maintiens tout de même l’envie de suivre son parcours avec attention… parcours duquel j’éliminerai volontiers ce présent roman.

Mathieu ARÈS

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