Michel Leboeuf, L’Homme qui n’avait pas de nombril (SF)

Michel Lebœuf

L’Homme qui n’avait pas de nombril

Waterloo, Michel Quintin, 2013, 315 p.

Philippe Morel n’est pas un homme comme les autres : il est le vilain petit canard, un extraterrestre. Pourquoi ? Parce qu’il n’a pas de nombril. Alors que sa mère vient de mourir, c’est le moment pour lui de faire le point sur sa vie d’étranger, d’enfant qui a subi les moqueries de ses camarades et qui, en vieillissant, a su s’affranchir de ces méchancetés dans le but d’en tirer profit. Lui-même résultat de manipulations génétiques, Morel se voit entraîné au milieu d’un complot scientifique. Arrivera-t-il un jour à se dire qu’il est davantage qu’une expérience ?

L’Homme qui n’avait pas de nombril de Michel Lebœuf est un roman particulier : divisé en trois parties – trois mouvements symphoniques, pour être précis –, ce dernier relate la vie d’un homme qui doit vivre constamment avec sa différence et qui doit apprendre à l’accepter, malgré le regard des autres. Morel nous raconte donc sa naissance, sa vie familiale, son attachement à sa sœur bipolaire placée dans un centre où elle ne fait que lire et écouter la télévision. Le style de l’auteur est incisif, et touchant lorsqu’il traite de la maladie de Lucie. Les personnages nous habitent, nous charment et nous attristent grâce à leur personnalité unique et réaliste ; ils ne sont pas des superhéros, mais plutôt des gens ordinaires qui se démènent dans un monde qui tourne trop vite et où l’apparence en est le moteur. Ils ont tous un petit quelque chose d’intéressant.

Tous ? Non : le personnage principal est lourd. Ce qui est dommage, car c’est sur ses épaules que repose le roman. Lorsqu’il s’adresse au lecteur, il n’hésite pas à répéter sans arrêt ce qu’il a souligné au crayon gras quelques pages plus tôt. Comme s’il avait peur que le lecteur ne suive pas ou ne comprenne pas ce qu’il raconte. Cette manie de toujours dire « vous vous rappelez ? » saoule, surtout qu’on ne voit pas l’intérêt, dans ce roman en particulier, de s’adresser de cette manière au lectorat. Du coup, on se sent imbécile et l’envie nous prend de refermer ce livre et de l’oublier dans un coin poussiéreux de la pièce.

L’autre problème du roman de Lebœuf réside dans le fait qu’il n’est en rien passionnant. Le résumé annonce un thriller psychologique, mais de ce genre, le roman n’en possède que ce terme sur la quatrième de couverture. Même chose pour la science-fiction, qui n’est ici qu’effleurée ; elle est plutôt prétexte à la psychologie du personnage principal. L’histoire se veut à la limite des genres, mais, à trop vouloir border ces limites, on finit par déraper et ne plus être capable de reprendre le contrôle, ce qui est visiblement arrivé dans ce cas-ci. En plus du thriller et de la science-fiction, l’auteur veut toucher au fantastique en s’inspirant, de manière très maladroite, d’un conte russe pour la trame de son récit (on ne saura jamais vraiment ce qui relie l’histoire du prince dans le conte à celle de Philippe Morel, mise à part cette idée de quête qui les motive dans leurs actions), tout en faisant de son roman un « Histoire 101 pour les nuls » en pratiquant le name dropping. Et c’est sans parler du gigantesque problème de cohérence à la fin du roman : depuis le début, le personnage principal s’adresse directement au lecteur en lui racontant son passé, ce qui l’a poussé à poser les gestes dans le présent, etc. On reste alors surpris d’apprendre, à la fin, que Philippe Morel se voit tué par un policier, ce qui remet en question la véracité du récit… ou la direction littéraire qui a laissé passer une bourde aussi énorme !

On doute donc de la pertinence d’un tel ouvrage : un paquet d’intrigues molles développées, puis balayées à la fin en deux ou trois pages. L’Homme qui n’avait pas de nombril est un roman sans intérêt qui s’accuse d’être brouillon ; une perte de temps tout à fait frustrante.

Mathieu ARÈS

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