K. S. Covert, The Petting Zoos (SF)

K. S. Covert

The Petting Zoos

Dundurn Press, 2022, 356 pages.

La pandémie a fait de certains d’entre nous des connaisseurs en matière de masques, gels hydroalcooliques et statistiques médicales. Même ceux qui aspirent plus que tout à un retour à la normale retiendront peut-être de l’épidémie quelques réflexes et inconforts qui se manifesteront à contretemps dans les transports en commun ou les rencontres de groupe. Et c’est justement le sujet du premier roman de l’ancienne journaliste d’Ottawa, K. S. Covert.

Dans The Petting Zoos, l’autrice a imaginé une pandémie de grippe H9N9 bien plus meurtrière que la Covid-19 et elle a commencé à rédiger l’histoire d’une survivante traumatisée, Lily King, dès 2009. Dans le monde post-apocalyptique du roman, il a fallu dix ans pour que la situation se stabilise et les mesures sanitaires ont laissé des traces. Lily a vécu dans le plus grand isolement après avoir été infectée. Elle n’a embrassé personne, n’a été touchée par personne et a même évité le plus possible les contacts avec son propre corps. En retournant au travail, elle obtient des séances de thérapie tactile (pas tout à fait des massages) afin de combler ce manque. Cette longue privation du premier des sens en affecte d’autres, qui ne se contentent pas des séances subventionnées d’attouchements thérapeutiques et qui fréquentent des « petting zoos » clandestins.

En anglais, ce terme désigne un zoo pour enfants, qui présente des animaux susceptibles d’être câlinés et flattés par de jeunes visiteurs. Au sens propre, il pourrait se traduire par « zoo de câlinage », avec tout ce que cela suggère de doux et tendres préliminaires. Dans le roman, le terme s’étend à toute une gamme de lieux clandestins où il est possible de se faire toucher et de toucher les autres, dans le noir parfois ou avec des bandeaux sur les yeux, avec ou sans pièces de vêtements, en allant jusqu’aux relations les plus intimes – en public.

L’héroïne de Covert ne recherche pas seulement les contacts humains. L’épidémie de H9N9 a aussi entraîné le bannissement des tapis et de nombreux textiles, sous prétexte que le virus se niche dans les fibres. La privation sensorielle est devenue une torture multi-dimensionnelle, mais la solitude de Lily reflète aussi la disparition de 90 % de la population planétaire. Malgré ce contexte post-apocalyptique, il serait plus juste de parler d’une ambiance d’après-guerre puisqu’il n’y a pas eu d’effondrement en tant que tel. Le retour à la vie de Lily reflète par conséquent le retour à la normale d’une société ravagée, mais encore debout. Des expériences routinières, comme rendre visite à un salon de coiffure, ne sont plus si ordinaires pour Lily après dix ans de quasi-enfermement.

Covert signe donc l’exploration psychologique d’une situation et d’un contexte qui auraient été à peine concevables il y a dix ans, mais qui toucheront nettement plus les lecteurs actuels. Après la découverte initiale des « petting zoos » par Lily, l’intrigue ralentit et se délaie dans les conversations, avant d’être relancée par l’histoire d’amour qui se développe et qui se terminera de manière un peu inattendue sur la possibilité pleinement assumée d’un ménage à trois.

En nous transportant dans un autre univers post-pandémique, le roman de Covert nous révèle nos propres expériences sous un nouveau jour. C’est tout l’intérêt du cadeau que nous fait la science-fiction en imaginant des versions distinctes de la réalité, susceptibles de servir de pierre de touche pour nous rassurer ou nous inquiéter. L’ouvrage a ceci de rafraîchissant qu’il évite de s’attarder sur la pandémie en tant que telle, l’effondrement social ou la reconstruction de toute une société. Covert les relègue à l’arrière-plan pour se concentrer sur la reconstruction d’une femme, de sa personnalité et de sa sexualité, en racontant le tout d’une manière extrêmement abordable et non dénuée de profondeur.

Jean-Louis TRUDEL

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