Patrice Cazeault, Ysandelle (Un western fantasy -3) (Fy)

Patrice Cazeault

Ysandelle (Un western fantasy -3)

Varenne, Corbeau, 2021, 474 p.

À la fin du tome 2, la situation des protagonistes était désespérée, et elle ne s’est guère améliorée quand s’ouvre le volume final. Cassidy Jackson semble celui qui s’en est le mieux tiré : rejeté par Qqova, il est maintenant le comparse – et l’amant – de la chasseuse de prime London Maize. Cependant, les tâches qu’il accomplit avec elle lui répugnent tant elles s’éloignent de son idéal. A-t-il compris que si Qqova l’a repoussé, c’est pour lui sauver la vie ? Qqova se tient désormais aux côtés de son « fiancé » dans l’espoir d’amener celui-ci à conclure un traité de paix, tout en protégeant la prisonnière de Taza, Shawna, ex-héritière d’Anna Chenko. Dès que Qqova a le dos tourné, le chef Apache torture cruellement la sorcière dont il espère asservir les pouvoirs. Pour sa part, Jed Walker est tombé bien bas : la Reine pâle a transformé le légendaire tireur en pantin dont elle se joue, en mort-vivant en train de pourrir sur pattes. Quant à Anna, qui aurait dû périr lors du massacre de ses sœurs par les guerriers de Taza la Mort, elle a survécu de justesse en permettant à un démon de franchir le Voile. Pourquoi faut-il qu’elle soit si affaiblie au moment où elle découvre Tania, une enfant dotée d’immenses pouvoirs ? Enfin, le plus désespéré de tous est certainement Renard, puisqu’il est mort ! Il a péri sous le tomahawk de Taza… mais Ysandelle n’allait pas se priver d’un autre pantin et l’a transformé en vampire, contrevenant ainsi à toutes les lois de l’Ordre dont elle et son père dépendent. Mais Ysandelle fomente sa rébellion. Retranchée dans le manoir de Jed Walker, elle se prépare à affronter le Prince Vassili, celui-là même qui a causé la mort de sa mère.

Je n’ai pas relu les deux premiers tomes avant de plonger dans le troisième, ce qui me pousse maintenant à conseiller aux amateurs de lire la trilogie en rafale, car l’intrigue est complexe avec ses multiples trames et ses nombreux personnages. L’auteur fait confiance à l’intelligence du lecteur, il ne perd pas son temps en rappels des épisodes précédents, ce qui rend la traversée des premiers chapitres laborieuse, le temps de retrouver ses repères. Mais ensuite, on est très vite captivé.

(Évidemment, j’en veux aux bien-pensants dont la bêtise a mis en péril la survie de la maison AdA et retardé la parution de nombreux titres, dont celui-ci. Je commence à en avoir vraiment plein mon casque des vierges offensées qui voudraient museler les créateurs et caviarder les romans. Quoi qu’il en soit, je souligne qu’Ysandelle est publié par les Éditions Corbeau, membre du groupe AdA – Corbeau était le nom de la collection où sont parus les deux premiers tomes. La maison semble en reconstruction. On lui souhaite le meilleur.)

Bref, ce troisième et dernier tome est prenant, encore plus sombre que le précédent. On se demande comment l’auteur va parvenir à une conclusion satisfaisante – et il y arrive !

Difficile de commenter la structure et l’intrigue d’un récit sans divulgâcher les morceaux les plus savoureux ou les plus touchants. Ici, encore une fois, on se situe dans la structure archétypale où les protagonistes convergent vers une inévitable collision des forces. La tension se construit par pallier, au fil des affrontements, des prétendues alliances et des trahisons. Taza la Mort a massacré les sorcières, mais il souhaiterait désormais exploiter les pouvoirs de Shawna pour vaincre ses ennemis. Anna Chenko dispute le territoire aux vampires, mais elle ne dédaignerait pas en devenir une afin d’acquérir l’immortalité. Seule Ysandelle se dresse en reine solitaire, persuadée qu’elle les vaincra ou les asservira tous. Elle détourne un régiment entier de cavalerie à son profit, ce qui est un épisode assez rigolo, du moins pour qui aime l’humour noir.

Il y a des moments touchants, le plus beau étant les retrouvailles de Qqova et de Jed Walker. Des moments inquiétants, comme lorsque Qqova a la bonne idée d’intéresser Anna Chenko à la lutte contre Ysandelle : elle ignore qu’elle risque ainsi de se retrouver dans le camp opposé à Renard, avec Cassidy au beau milieu, donc bien placé pour prendre des balles.

Tous les personnages montrent de la profondeur, ils sont vivants. Même Tyver, homme de main d’Ysandelle, ne se limite pas à une paire de gros bras. Et que dire de Malfesnir, la monstrueuse monture prêtée à Qqova par Ysandelle ? Même elle sera partagée entre ses allégeances.

Qqova est bien sûr la plus fascinante. Sa relation à Taza la Mort rappelle celle des femmes victimes de violence conjugale qui s’obstinent à ne pas dénoncer leur bourreau, persuadées qu’elles parviendront à le changer pour le mieux. J’ai eu à quelques reprises le goût de secouer Qqova – mais je ne m’y serais pas risquée, vu son caractère.

Ce troisième tome est bien sûr celui des sacrifices et des deuils. Il faut parfois choisir entre pouvoir et humanité, quitte à y perdre son âme. On se doute que l’amitié triomphera, mais personne ne sort indemne de tels combats.

Conclusion : de bons moments de lecture pour qui cherche la détente et l’évasion.

Francine PELLETIER

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