Joël Champetier, RESET : Le Voile de lumière (SF)

Joël Champetier

Reset : Le Voile de lumière

Lévis, Alire (Romans 139), 2011, 306 p.

Il arrive des choses intéressantes lorsque la muse de l’écriture projette un bras de fer avec celle du cinéma et que cette dernière, tout simplement, se désiste. C’est ce qui arrive – pour le moment – au projet de film de SF élaboré par Joël Champetier et Daniel Roby. Exaspéré par les lenteurs, retards et tergiversations diverses de ce sport collectif qu’est la création cinématographique, notre auteur a donc décidé d’écrire sans plus attendre le roman qu’il désirait.

La première réflexion qui jaillit lorsqu’on l’a refermé, c’est : « ça ferait un maudit bon film ! » Effet trompeur, car ceci est un roman, et comment certains de ses aspects seront transposés à l’écran sera certainement fort intéressant, car fort difficile. Par exemple, supériorité des mots sur les images, nous pouvons partager immédiatement, et clairement, l’intériorité du personnage principal qui se réveille sans savoir où il est ni ce qu’il est, au bord d’une rivière. Bien plus, les mots eux-mêmes ne retrouvent que peu à peu leurs sens pour lui, souvent en action – la mémoire du corps. Il va récupérer une jeune femme également amnésique accrochée à un montant de pont, puis, ensemble, ils vont explorer peu à peu la carte perdue – non seulement celle du territoire, mais celle de leur propre vie. Ils ne seront pas les seuls. Le déclencheur essentiel de ce récit est le bon vieux « Il est arrivé quelque chose » : au départ, on ignore quoi – un voile de lumière, comme l’indique le titre – mais l’événement a causé l’écroulement de notre civilisation, qu’il va falloir reconstruire tant bien que mal avec une aide imprévue et bientôt problématique.

Ceci étant un roman à suspense, il est impossible de décrire l’intrigue plus avant, mais sachez seulement que, sur ce motif somme toute assez classique, Champetier réussit à nous tenir en haleine tout du long. Et que, fait réjouissant, le territoire dont on retrouve peu à peu la carte n’est rien moins que Saint-Tite (auprès duquel vit l’auteur…). Nous sommes en plein dans la concrétisation réussie d’une des pistes proposées par d’aucuns pour « raccrocher » le « grand public » à la science-fiction : lui offrir un monde contemporain plus que futur, reconnaissable (ici le Québec, et des Québécois), mais transformé par des événements insolites ou catastrophiques (c’est aussi souvent la voie choisie par l’excellent Canadien Robert Charles Wilson, chez les auteurs anglophones). On peut d’ailleurs lire aussi ce roman comme une métaphore de la situation actuelle, et de ce qu’on peut voir comme la tentative de décérébration du citoyen qu’on coupe de l’Histoire en le poussant dans un éternel et frénétique présent bien encadré ; de ce point de vue RESET se situerait dans un ensemble de textes récents qui offrent une vision plus roborative d’un avenir où la révolte, redevenue révolution, remet les Ordres à leur place…

Élisabeth VONARBURG

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