Sci-Néma 173

Christian SAUVé [CS] et Hugues MORIN [HM]

Exclusif au Volet en ligne (Adobe Acrobat, 1.55Mo) de Solaris 173, Hiver 2010

 

Avatar

 [Couverture] Il n’est pas exagéré de dire qu’Avatar était un des films les plus attendu de la décennie. Première réalisation non-documentaire de James Cameron depuis Titanic (1997) et son premier film de science-fiction depuis Terminator 2 (1991), les attentes étaient élevées pour un projet annoncé au siècle dernier. à en croire sa publicité, Avatar serait une révolution. Conçu et réalisé avec de nouvelles technologies 3D créées spécialement pour le film, Avatar se distinguerait aussi pour son coût de production le plus élevé de l’histoire du septième art.

Avec un tel pedigree, il ne fallait pas se surprendre de voir fans et critiques se former une opinion avant même d’avoir vu le film. Après une bande-annonce décidément moyenne, ceux qui n’avaient pas encore pardonné à Cameron pour Titanic attendaient Avatar avec des briques et du sarcasme… tandis que ses fans plaçaient déjà le film sur leur Top-10 de l’année, voire de la décennie. Pendant ce temps, les propriétaires des salles de cinéma 3D se frottaient les mains en attendant les foules.

On pourrait dire que le résultat final donne raison à tout le monde.

Commençons par répondre aux déclarations les plus grandiloquentes. Oui, Avatar est une (petite) révolution cinématographique, au moins en matière de film tridimensionnel. Se démarquant des réalisateurs moins confiants dans leur maîtrise de la grammaire visuelle 3D, Cameron ne tente pas de projeter épées, lances, aiguilles ou fragments de verre dans le visage du spectateur. Il préfère plutôt déplacer sa caméra virtuelle dans un espace tridimensionnel, laissant l’effet 3D se manifester de manière organique, pour immerger l’audience dans son film. Ce souci d’immersion totale s’applique à tous les aspects de la réalisation. Les images sont peaufinées à un niveau presque impossible à appréhender au premier regard. Cette obsession du détail, marque de commerce de Cameron depuis les années quatre-vingt, finit par conférer à Avatar une crédibilité visuelle qui aide énormément à ignorer ou pardonner plusieurs autres failles.

C’est que cette surenchère de détails procure au fan d’imaginaire un plaisir jusqu’ici surtout réservé à la SF écrite: celui de plonger dans un monde inventé crédible de bout en bout. L’équipe d’Avatar a passé beaucoup de temps à imaginer l’écosystème de Pandore, et le résultat est d’une complexité qui ne peut être absorbée en un seul visionnement. Faune et flore pandoriennes partagent des traits communs, occupent des niches écologiques logiques, et sont somptueusement réalisées à l’écran. Si on peut sourciller devant certains détails (comment se renouvelle l’eau des chutes aux côtés des petites montagnes flottantes?), l’émerveillement est trop soutenu pour qu’on y accorde de l’importance. (L’aspect visuel est tellement ahurissant que les pantouflards peuvent se rassurer: le film sera aussi spectaculaire en DVD-2D.)

En plus, même si la qualité des images et de la technique justifie à elle seule le prix du billet en salles, et suffirait à classer le film parmi les œuvres marquantes de SF cinématographique de la décennie, il faut également souligner l’excellente mise en scène, un montage efficace et tant d’autres signes d’une méga-production bien ficelée. Pour les amateurs de SF, quel plaisir de constater la fluidité avec lesquelles un réalisateur comme Cameron utilise les accessoires de la science-fiction, comme les avatars, les extraterrestres ou les robots géants…

Tout cet enthousiasme ne peut occulter le manque d’ambition du scénario. Ce n’est pas qu’il soit mauvais – certains éléments de l’intrigue sont introduits puis explorés avec ingéniosité – mais il semble parfois évident et ne se hausse pas au même degré de raffinement que les autres aspects de la production. Cette histoire de soldat conquis par les indigènes qu’il est chargé d’infiltrer sera familière à ceux qui ont vu Dances with Wolves. Les éléments SF rappelleront Midworld d’Alan Dean Foster, les Dragonriders d’Anne McCaffery, «Call me Joe» de Poul Anderson, voire même «The Word for World is Forest» d’Ursula K. LeGuin. Nombreux seront les spectateurs exaspérés de voir s’accumuler autant de poncifs, qu’il s’agisse de noble sauvage sans reproches, ou celui des militaires et corporatistes qui ne possèdent aucune conscience ni subtilité. D’autres ont relevé le racisme implicite d’une intrigue où l’étranger «blanc» s’avère être le seul sauveur d’une colonie indigène. Un léger rééquilibre du scénario (comme faire du héros un conseiller militaire plutôt que de lui faire reposer l’entièreté de la rébellion sur ses épaules) auraient permis d’adoucir cet aspect. Finalement, les dialogues feront parfois grincer des dents.

Mais bon; les fans de science-fiction ne pourraient vivre sans d’interminables débats au sujet des films que tous ont vus, et Avatar s’avère un sujet de discussion à la fois incontournable et suffisamment imparfait pour attiser la controverse. Ajoutons à cela le mérite d’un film de SF qui n’est pas basé sur une franchise existante. Quoique… Cameron a dit que des suites pourraient suivre si ce premier volet connaît du succès. Alors qu’à l’écriture de ces lignes, pas même un mois après la sortie du film, Avatar bat tous les records au box-office et arrive déjà beau deuxième au palmarès mondial de tous les temps (derrière Titanic, tiens), parions que nous n’aurons pas à attendre aussi longtemps avant de voir une suite… et que celle-ci pourra se permettre quelques risques supplémentaires au niveau de l’intrigue. [CS]

 

Paranormal Activity

 [Couverture] L’horreur est un genre cinématographique particulier à plus d’un égard et c’est surtout vrai lorsque vient le moment de calibrer la distance entre le film et l’audience. Trop de distance et les spectateurs se souviennent qu’ils ne font que regarder une production sur grand (ou petit) écran et la terreur s’évanouit. Comparez Godzilla à Cloverfield pour voir la différence d’impact entre un film qui conserve une distance entre l’intrigue et l’auditoire, et un autre qui plonge l’audience en plein dans l’action. Ceci explique pourquoi l’horreur s’accommode fort bien de productions à budget étriqué, l’exemple type étant The Blair Witch Project. Paranormal Activity [Activité paranormale] est un autre film qui vient rappeler aux créateurs de superproductions ce qu’il est possible de faire avec un budget ridicule et une bonne idée.

Dès le début, les images parlent par elles-mêmes alors que nous rencontrons un jeune couple sans enfant dans leur confortable demeure californienne. Lui est investisseur bien nanti et sceptique jusqu’aux ongles, d’où son achat d’une caméra vidéo pour enquêter sur des bruits mystérieux qui commencent à déranger leur sommeil. Elle est nettement plus superstitieuse, mais non sans raison. Toujours est-il que la caméra qui tourne durant leur sommeil commence à capturer des sons et des images de plus en plus inexplicables. Le couple en vient à se chamailler, elle étant convaincue que ce sont ses provocations à lui qui aggravent le phénomène. Puis, c’est au couple de découvrir ce qui leur en veut autant, et pourquoi il n’y aura peut-être pas d’issue pour eux…

Le synopsis de l’intrigue est mince, mais la réalisation est tout à fait assurée. Tourné en longs plans statiques parfois tout à fait dérangeants, Paranormal Activity est avant tout un film d’atmosphère. Idéalement vu dans une salle comble au cinéma ou en couple à la maison, c’est un film qui va gratter quelques craintes fondamentales: celles de la noirceur, de l’inconnu, de ce qui se passe autour de nous pendant notre sommeil. La gradation contrôlée de l’intrusion paranormale à l’écran fait en sorte que le film ne comporte que quelques scènes chocs, mais que celles-ci restent gravées en mémoire. à une époque où l’excès est devenu monnaie courante en horreur, il y a une retenue tout à fait admirable dans Paranormal Activity. Et les images tournées à la maison suggèrent à nos cerveaux qu’il est impossible d’échapper à l’horreur en nous réconfortant que «ce n’est qu’un film!».

La petite histoire de la production du film s’avère tout aussi fascinante. Réalisé par le cinéaste amateur Oren Peli pour à peine $ 15 000 (dit-on) avec des acteurs recrutés par l’entremise du site web Craigslist, Paranormal Activity a retenu l’attention du studio Paramount, qui avait des plans pour refaire le film plus professionnellement. Mais une projection test s’étant avérée tellement réussie (des spectateurs terrifiés ayant quitté le film avant la fin, incapables d’en tolérer plus) qu’elle a menée à une parution limitée, puis à une distribution à grand déploiement de l’œuvre telle que réalisée. Le résultat final est éloquent: les recettes du film ont rapidement dépassé les $ 100 millions, ce qui en fait une des productions les plus profitables de l’histoire du cinéma — presque quatre fois plus que les recettes de Saw VI, une des productions excessives et distantes qu’il est utile de comparer à Paranormal Activity.

Bref, de temps en temps, l’industrie cinématographique nous surprend par son intelligence en laissant passer une authentique curiosité. Plus satisfaisant que Blair Witch Project, parfaitement adapté à l’ère YouTube, astucieusement exécuté et diablement efficace, Paranormal Activity aura de quoi glacer le sang et réchauffer les cœurs des amateurs d’horreur. Fermez les lumières, serrez votre tendre moitié, et ne comptez pas sur un sommeil hâtif, parce que le film ne commence vraiment à fonctionner que lorsque vous tenterez de vous endormir… [CS]

 

Twilight: New Moon

 [Couverture] Harry Potter? Mais voyons, c’est vieux jeu: l’époque appartient aux vampires scintillants, aux loups-garous musclés et aux filles qui les aiment. Deuxième volet de la «saga» Twilight, New Moon [La Saga Twilight: Tentation] a déferlé sur les écrans comme une vague d’adolescentes déchaînées, prouvant qu’il est nettement plus profitable de teindre ses créatures de la nuit à l’eau de rose plutôt qu’au sang rouge vif.

Pauvre Bella, maintenant obligée de choisir entre, d’un côté, un Edward suicidaire à la famille assoiffée de son sang d’humaine et, de l’autre, un Jacob musclé plus intéressé à gambader nu en pleine forêt avec ses copains… Les lecteurs de Solaris peuvent rigoler, mais ils risquent bien de se retrouver minoritaires, car pour maintes adolescentes, de corps ou de cœur, la série Twilight s’avère une transposition de sentiments bien réels. Le premier film traitait sans subtilité des terreurs d’un premier amour. Cette suite aborde l’après-coup d’une rupture, et les chocs d’un triangle amoureux où deux jeunes hommes puissants se disputent (parfois brutalement) l’affection d’une fille bien ordinaire.

On dira ce que l’on veut de la pauvreté des dialogues, des coïncidences ridicules, ou bien du sous-texte franchement dérangeant d’une romance où les deux prétendants de l’héroïne cherchent à contrôler ses actions, mais il est utile de rappeler que Twilight s’adresse à un tout autre auditoire que celui des amateurs purs et durs de fantastique. Après avoir vu la science-fiction ruinée (dit-on) par Star Wars et la fantasy colonisée par le succès cinématographique de Lord of the Rings, il fallait sans doute s’attendre à ce que le troisième grand genre de l’imaginaire subisse un sort analogue. Car la série rejoint de manière efficace tout un pan démographique, celui qui aime la romance et qui s’ignorait sensible au fantastique, à moins que ce dernier ne soit convenablement édulcoré et adapté.

Le public cible de Twilight ne lit probablement pas Solaris, alors la véritable question à poser ici est: est-ce que le film offre quelque chose à l’amateur pur et dur de fantastique cité plus haut? Disons qu’à moins de vouloir rester informé des courants actuels en culture pop – ce qui en soit est tout à fait légitime – le visionnement de New Moon ne s’impose pas. La grande innovation de ce volet de la série, c’est de finalement révéler, après tous les indices laissés au cours du premier film, que Jacob et son clan sont des loups-garous, et qu’ils sont contents de donner des leçons aux vampires lorsque ces derniers enfreignent leur traité territorial. S’il est amusant de voir la façon dont Stephenie Meyer transpose les dynamiques d’un clan de loups en termes humains, c’est-à-dire en montrant un groupe de jeunes hommes gambadant torses nus dans la forêt, il n’y a pas là de plaisir particulier en termes fantastiques. Parions qu’il se fait nettement mieux ailleurs en urban fantasy contemporaine. Pour tout dire, l’amateur de fantastique qui aborde New Moon aura peut-être avantage à considérer le film comme une comédie.

Par contre, ceux qui avaient grincé des dents face à la réalisation terne et prétentieuse du premier volet peuvent se rassurer que les choses s’améliorent avec New Moon. Le réalisateur Chris Weitz (The Golden Compass) privilégie les teintes moins glauques, des effets spéciaux mieux intégrés (bien que parfois loin d’être parfaits), une caméra plus dynamique et un rythme un peu plus enlevé.

Mais bon; de telles considérations ne sont que méditations intellectuelles sans impact, surtout que la production du troisième volet est déjà en cours de route et que sa parution s’annonce pour juin 2010. Que ceux qui tolèrent difficilement la domination culturelle de la série prennent une grande respiration, qu’ils se disent qu’elle n’est pas destinée à eux, qu’ils se répètent que tout a une fin, et qu’ils aillent plutôt voir Daybreakers. Car les recettes et les critiques du troisième volet de la série Twilight sont déjà bien prévisibles. [CS]

 

The Road

 [Couverture] «Déprimant» n’est pas suffisant pour décrire l’univers post-apocalyptique imaginé par Cormac McCarthy dans son roman The Road [La Route]: 241 pages de synonymes pour des teintes de gris qui se sont révélées suffisantes pour faire remporter un prix Pulitzer à McCarthy, l’amener chez Oprah et ainsi donner un peu de respectabilité à un roman susceptible d’être étiqueté «science-fiction».

Le film The Road [voa] transforme 241 pages de grisaille en 111 minutes tout aussi dépourvues de couleur. L’intrigue paraît simple à souhait: des années après un événement catastrophique, un père marche le long d’une route avec son fils, tentant de rejoindre la côte. Tout comme dans le livre, aucun détail de l’apocalypse n’est fourni. Tout ce que l’on sait, c’est que faune et flore ont été annihilés, et que les rares humains survivants doivent se battre pour mettre la main sur les denrées restantes – la seule alternative étant le cannibalisme. Alors que père et fils déambulent le long de la route, ils doivent affronter maintes péripéties dangereuses et, en sourdine, s’interroger sur la signification des bons sentiments humains dans un tel environnement.

En cela, l’adaptation est généralement fidèle au roman. La prose directe et peu sentimentale de McCarthy trouve son équivalent dans une réalisation sobre, un rythme lent et une cinématographie qui privilégie – l’a-t-on dit? – les teintes de gris. Le scénario réserve, via quelques retours en arrière, un rôle plus important à la mère de l’enfant que dans le livre, mais autrement, l’essentiel des péripéties se retrouvent également au grand écran.

Inutile de dire que ce n’est pas un film réjouissant. Au fil des ruines et des rencontres violentes, The Road réussit à rendre la fin du monde insupportable. Si une seule chose peut enrayer l’accumulation de films post-apocalyptiques de plus en plus répétitifs, c’est la démonstration du manque complet de sensations fortes qu’offrent ces scénarios. Cette fois le thème est poussé à sa limite: personne n’osera aller plus loin, de peur de franchir le seuil de tolérance de l’audience.

Mais si c’est l’aspect déprimant des images qui reste en mémoire, il y a un peu plus sous le moteur du film qu’un simple voyage en pleine fin du monde. La relation entre le père et l’enfant rejoindra les inquiétudes de nombre de parents, et les nombreuses occasions qu’offre l’intrigue pour démontrer l’inhumanité de l’homme envers l’homme feront réfléchir: comment un homme bon peut-il aller trop loin? où tracer la frontière entre les principes personnels et les nécessités de la survie? à quoi sert d’entretenir l’espoir lorsque tout semble perdu?

The Road n’est certainement pas pour toutes les audiences, ni même pour tous les moments. Long et lent, c’est un film sans pitié qui ne tente pas de dorer la pilule. Cauchemar de 111 minutes, c’est surtout une œuvre qui laissera songeur, ce qui n’est tout de même pas particulièrement fréquent au rayon «science-fiction»… et de toutes les visions post-apocalyptiques du moment, c’est la seule à ne pas en profiter pour montrer des séquences d’action divertissantes. [CS]

 

2012

 [Couverture] Avec 2012, c’est la troisième fois que le réalisateur Roland Emmerich s’offre une dévastation à l’échelle du globe. Après les extraterrestres d’Independence Day et la météo cataclysmique de The Day After Tomorrow, voilà que tremblements de terre et méga-volcans sont au menu de son plus récent film. Inutile de blâmer les anciens mayas ou bien les prophéties de Nostradamus: lors d’un (très long) prologue, le scénario accuse neutrinos et noyau terrestre de manigancer une catastrophe imminente. Quand celle-ci frappe, deux années plus tard, c’est à un écrivain de SF divorcé (John Cusak) de secourir sa famille des maints dangers qui les menacent.

Un bon spectacle catastrophe a au moins le mérite de nous faire oublier les tracas du quotidien et, à son meilleur, 2012 a de quoi en faire voir même aux cinéphiles les plus blasés. Dans une séquence digne d’anthologie, c’est tout Los Angeles qui s’écroule spectaculairement autour de la limousine du héros. Plus tard, c’est un méga-volcan qui projette en l’air des rochers qui ratent – de très peu encore cette fois – l’autocaravane qu’il conduit. C’est dans de tels moments, quand il abandonne toute vraisemblance, que 2012 est à son meilleur. Par exemple quand des rames de métro chutent autour d’un avion qui tente de décoller, laissant l’audience à bout de souffle.

Malheureusement, même selon les standards laxistes des films catastrophe, 2012 connaît des ratés. Le plus grave concerne la structure. La première moitié du film est beaucoup plus mouvementée que la seconde, et les séquences les plus spectaculaires sont concentrées au début et au milieu du film. Au troisième acte, l’action ralentit, les dialogues deviennent de plus en plus nombreux, et l’intérêt diminue. Une fois Los Angeles renversée par un tremblement de terre et Yellowstone disparu sous un volcan, ce n’est pas un navire menacé de collision avec l’Everest qui réussit à entretenir la tension.

D’autant plus qu’au niveau de l’intrigue et des personnages, rien dans 2012 ne se démarque. Des acteurs de talent sont coincés dans des personnages aux répliques convenues; sans doute comprennent-ils qu’ils ne rivaliseront pas avec les effets spéciaux. Chacun vit un petit mélodrame déjà rencontré dans d’autres films du genre. Ainsi on a droit à un autre père de famille divorcé qui profite d’un cataclysme mondial pour réunir sa petite famille. Peut-être n’est-ce pas si grave: les spectateurs qui en sont à leur troisième film catastrophe en compagnie d’Emmerich savent que celui-ci préfère de loin orchestrer des séquences d’action complexes que de passer du temps en compagnies d’authentiques humains.

N’empêche, quelques resserrements auraient pu rendre 2012 encore plus mémorable, surtout dans la troisième partie. On recommandera à sa sortie en DVD un regard aux documentaires expliquant comment les effets spéciaux ont été menés. Si rien d’autre, 2012 servira de démonstration à ceux qui veulent étrenner leur nouveau lecteur Blu-Ray à des amis ébahis. [CS]

 

The Imaginarium of Doctor Parnassus

 [Couverture] Bons ou mauvais, les films de Terry Gilliam ressemblent rarement aux autres. On n’a qu’à revoir Time Bandits, Brazil ou The Adventures of Baron Munchausen pour s’en convaincre. Son imaginaire débridé est unique, et c’est un des rares réalisateurs à pouvoir revendiquer l’étiquette d’auteur fantaisiste. Si la dernière décennie n’a pas été facile pour lui (échec de la production de Don Quixote, critiques mitigées pour The Brothers Grimm), le voilà tout de même de retour au grand écran avec un premier film depuis 2005 : The Imaginarium of Doctor Parnassus [L’Imaginarium du Docteur Parnassus].

à en lire les journaux à potins, ce ne fut pas cette fois non plus une production facile. Non seulement Gilliam a dû composer avec la mort soudaine de son acteur principal, Heath Ledger, mais un des producteurs du film est décédé d’un cancer peu après le tournage. Comme si ça ne suffisait pas, Gilliam lui-même s’est fait frapper par une automobile en pleine postproduction!

Alors, est-ce un film maudit? Il faut tout de même souligner que l’intrigue tourne autour d’un duel entre le diable (Tom Waits) et le docteur Parnassus (Christopher Plummer), un ancien sage convaincu que l’imaginaire des gens ordinaires peut les sauver de la perdition. C’est pourquoi Parnassus voyage à bord d’un théâtre ambulant, donnant non seulement des spectacles, mais une occasion aux spectateurs de marcher à travers un miroir magique qui les amène dans un monde imaginaire de leur création. Le tout se complique lorsqu’un mystérieux étranger (Ledger) vient rejoindre leur troupe: son charisme naturel cache-t-il un sombre passé? Pourquoi est-il poursuivi par la pègre russe?

Pareille description de l’intrigue ne rend guère justice aux images que Gilliam, tel Parnassus lui-même, présente aux spectateurs. La mise en situation sombre et poussiéreuse du film laisse progressivement la place à des visions imaginatives de plus en plus singulières, jusqu’à un dernier acte pratiquement détaché de la réalité. Les pièces ne s’imbriquent pas toujours ensemble, mais le moins que l’on puisse dire est que The Imaginarium of Doctor Parnassus offre un certain répit du réalisme d’autres films.

Il y a un intérêt supplémentaire à voir comment Gilliam a su composer avec la mort de sa vedette en plein tournage. Qu’on se rassure: le tout est traité de manière tellement fine qu’il est possible de croire que le film a été planifié ainsi dès le début. Le premier des trois remplacements de Ledger par un autre acteur est tellement bien intégré que le spectateur prend un peu de temps à s’en rendre compte; les deux autres, eux, sont attendus et paraissent naturels.

En revanche, Gilliam ne parvient pas à s’affranchir de quelques-uns de ses tics les moins plaisants. Comme dans son film précédent, l’intrigue reste brouillonne. Il préfère les archétypes aux personnages et ne révèle jamais toute l’information dont l’audience a besoin pour suivre le film. Les événements qui se succèdent tard dans le film finissent par reposer sur une logique onirique plutôt que découler des éléments établis plus tôt. L’imagination de Gilliam est admirable, mais il a souvent besoin d’aide pour construire des histoires.

Ceci dit, The Imaginarium of Doctor Parnassus souffre un peu moins de ce problème que son prédécesseur The Brothers Grimm, et s’avère même être le film le plus gilliamesquement réussi depuis Fear and Loathing in Las Vegas (1998). [CS]

 

Daybreakers

 [Couverture] Alors qu’on déclarait récemment que le film de zombie s’était perdu à jamais dans les limbes de la répétition mécanique, Zombieland est apparu pour nous rappeler que les monstres sont immortels. Pareillement, voici Daybreakers [L’Aube des survivants] qui nous confirme qu’il y a toujours quelque chose d’intéressant à faire avec les vampires… même à notre époque où les plus populaires d’entre eux scintillent au soleil.

Daybreakers commence avec une question qui a dû trotter dans l’esprit de n’importe quel amateur de genre confronté aux intrigues où les vampires planifient de prendre le contrôle de la planète: une fois toute la population consommée, d’où viendrait leur subsistance? Une scène coupée au montage du premier film Blade donnait une amorce de réponse – des banques d’humains, préservés pour une fraîcheur maximale –, mais Daybreakers va au fond de cette pensée et présente un monde bien différent.

En 2019, presque toute la population a été vampirisée. La minorité humaine est chassée, capturée, plaquée dans des usines et exploitée pour son sang. La société s’est adaptée aux limitations des vampires (activités nocturnes, protections anti-soleil, cafés sanguinolents), mais leur nombre pose problème: car leur soif collective excède les réserves de sang disponibles… et une catastrophe imminente plane à l’horizon. (Les similitudes avec le pic pétrolier ne sont pas accidentelles.) C’est à l’aube de cette crise que notre héros Edward Dalton, biologiste vampire insatisfait de son état, s’affaire à trouver un substitut pour le sang humain. Mais un bête accident automobile lui fait rencontrer des éléments de la résistance humaine, et la cure que ceux-ci possèdent peut-être.

Conceptuellement, Daybreakers a le mérite d’aller là où aucun autre film de vampire n’a été jusqu’ici. Hybride entre la science-fiction et l’horreur, le film est efficace sur les deux plans. Le film utilise des vampires bien classiques et leur nature sauvage n’est jamais bien loin, surtout lorsque le sang humain se fait rare et qu’ils muent en une forme nettement plus primitive. Pas de pitié, de fausse sympathie ou d’excuses sentimentales pour ces vampires, surtout lorsque leur comportement n’est qu’une extension de la nature humaine…

Réalisé avec un budget assez mince, Daybreakers a également de quoi réjouir ceux qui préfèrent le série B imaginatif aux blockbusters sans âme. Les effets spéciaux, parfois bâclés certes, sont nombreux et bien utilisés. Le scénario (surtout en première moitié) est bourré de petits détails qui retiennent l’intérêt, la réalisation se permet quelques touches dynamiques et les acteurs semblent bien s’amuser. Willem Defoe, en particulier, a rarement été aussi amusant que dans le rôle «d’Elvis», un chef de la résistance humaine avec un faible pour les arbalètes et les voitures sports. Et c’est sans compter les critiques voilées du capitalisme et le discours pro-humains aux résonances environnementalistes.

Là où Daybreakers est moins convaincant, c’est dans une deuxième moitié plus occupée à faire courir l’intrigue qu’à développer son imaginaire. La «solution» au problème des vampires semble un peu ridicule, et la finale qui vante les mérites d’une existence humaine comparée à celle des vampires paraît naïve pour qui vient de voir tout ce qui précède. Dommage: peut-être qu’une suite laissera place à un peu plus de nuance. Entretemps, c’est un film de série B tout à fait respectable que les frères scénaristes/réalisateurs Spierig ont livré: pas parfait, mais susceptible d’être apprécié autant par les  amateurs de vampires que par ceux qui sentaient une lassitude face à la prolifération des films explorant ce thème. [CS]

 

5150 rue des Ormes: Alice au pays des horreurs

 [Couverture] Suite à un accident de vélo, Yannick Bérubé, jeune étudiant en cinéma, est séquestré dans une maison de banlieue par Jacques Beaulieu, un père de famille en apparence normal, mais qui est un fanatique de justice. C’est aussi un champion aux échecs; il propose un marché à Yannick: «Tu retrouveras ta liberté si tu me bats aux échecs.» Les affrontements commencent donc mais la situatio

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