Marie-Sissie Labrèche, La Vie sur Mars (SF)

Marie-Sissi Labrèche

La Vie sur Mars

Montréal, Leméac, 2014, 164 pages.

Ce court roman débute avec une scène puissante, où un homme au Canada apprend que le corps de sa mère a été retrouvé à son domicile français dans un état de décomposition avancée, et il se termine avec une scène qui se veut forte, mais verse dans le ridicule. L’action débute en 2035 alors que le fils, Neil, s’empresse de quitter le Canada pour se rendre en France en avion. Il arrive donc dans la petite ville lorraine en Super TGV de « troisième génération » quelques heures après la conversation traumatisante qu’il a eue avec le médecin légiste grâce à ses lunettes de réalité virtuelle de « cinquième génération ». Son deuil est compliqué par la découverte de l’ultime manuscrit de sa mère, autrefois une journaliste et écrivaine reconnue au Québec.

Ce manuscrit raconte la rencontre de ses parents, la grossesse de sa mère et le déménagement du couple en France. Autobiographie ou autofiction ? Neil n’en est pas certain d’abord, puisque sa mère cultivait allègrement l’autofiction dans ses romans. La science-fiction pointe le bout du nez lorsqu’une compagnie aérospatiale privée embauche le père pour qu’il participe à un vol vers Mars. Comme son père français n’est jamais revenu de ce voyage, Neil est d’autant plus fasciné par les allusions du manuscrit à des révélations au sujet de son géniteur.

Malgré le cadre futuriste de l’intrigue, La Vie sur Mars décevra les amateurs de science-fiction. Le monde le plus exotique exploré par les protagonistes, c’est la petite société de l’agglomération lorraine où aboutit la mère de Neil. La moitié du temps, la méchanceté tient lieu d’esprit à celle-ci. Le reste du temps, la récrimination à jet continu a ceci de bon qu’elle incite à tourner les pages, surtout que Labrèche agrémente l’acrimonie de la mère décédée de couleurs inusitées et de comparaisons qui sauvent de l’ennui, sinon des clichés dont la narration use et abuse. Le mari est nécessairement macho parce qu’il est français, distrait parce qu’il est scientifique et jaloux parce qu’il est un homme… Le récit de la grossesse n’évite pas non plus la redite ou la coquille – la journaliste et romancière s’adonnant à des exercices de « Keggle » (p. 85), et non de Kegel.

La mère de Neil carbure à l’insécurité et à l’insatisfaction tout en ne faisant pas grand-chose pour changer ce qui lui déplaît. Le manuscrit de la mère morte sert au moins à sauver son fils de l’impéritie qui le guette. S’il renonce aux anxiolytiques, toutefois, sa réaction à la révélation promise par sa mère tient du déni et de la crise de nerfs. Le coup de théâtre final révèle que Rosaline – la jeune fille au pair embauchée par la mère et devenue l’amie parfaite de Neil – relève aussi de la science-fiction. La surprise est si complète qu’elle suscite presque le rire, mais elle rachète un peu une intrigue plutôt prévisible par ailleurs. Cette conclusion, comme il arrive souvent lorsque des auteurs de littérature générale abordent la science-fiction, boucle l’histoire au moment où elle deviendrait intéressante et faisait (enfin) du protagoniste un personnage digne d’intérêt.

Jean-Louis TRUDEL

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