Stéphane Dompierre, Corax (Fa)

Stéphane Dompierre

Corax

Montréal, VLB Éditeur (L’Orphéon), 2012, 160 p.

L’Orphéon est un immeuble imaginaire dont chacun des cinq étages a été confié à un écrivain, qui a eu pour mission, dans ce projet collectif, d’occuper l’étage avec un roman. D’un roman à l’autre, des liens sont tissés à l’aide de personnages récurrents et de références nombreuses, mais chaque livre est indépendant des autres et peut se lire sans en connaître plus que la courte mise en bouche que vous venez de lire. Les éditions VLB ont donc confié leur immeuble aux auteurs Patrick Senécal, Véronique Marcotte, Geneviève Janelle, Roxanne Bouchard et Stéphane Dompierre.

Vous vous dites alors : « Nous sommes dans Solaris, alors cette critique parlera du livre de Patrick Senécal, seul auteur de cette liste à fréquenter nos genres de prédilection. » Mauvaise hypothèse. Nous sommes ici pour parler de Corax, un roman de Stéphane Dompierre, écrivain nous ayant habitué à des comédies dramatiques (Un petit pas pour l’homme, Mal élevé, Stigmates et BBQ, chez Québec Amérique) et ayant commis une histoire de pirates assez sanglante aux éditions Coups de tête (Morlante), le tout baigné de beaucoup d’humour. Contre-emploi, vous dites ? Examinons de plus près le cinquième étage de l’Orphéon.

Corax est le nom de famille du principal protagoniste de ce récit, Louis Corax, postier devenu multi-millionnaire par hasard, grâce à la loterie. Désormais propriétaire de l’Orphéon, il en occupe le dernier étage. Au retour d’un voyage à Londres, il découvre, posé par terre devant la porte de sa salle de bain, un animal en origami, qui n’y était pas lors de son départ. S’ensuivent différents problèmes d’ordre électrique, de même que le retour d’animaux en origami. Louis angoisse de plus en plus et cherche différentes façons de comprendre ce qui se passe. Il envisage même la présence d’un fantôme, c’est tout dire. En parallèle, nous suivons, lors de certains chapitres, une famille asiatique dont la jeune fille est très malade et dont le père est parti, porté par ses peintures à s’aventurer en dehors du cocon familial. On se doutera, dès leur apparition, qu’il y a un lien entre cette famille et les mésaventures de Corax. Y a-t-il réellement un fantôme habitant le loft de Louis ? Le lecteur nagera dans le doute jusqu’à la toute fin, et la résolution de toute l’intrigue lui amènera un sourire de satisfaction.

Corax est un roman d’angoisse, car Dompierre réussit à créer des ambiances propices au stress. L’auteur maîtrise bien les rouages du récit fantastique, car c’est bien ce dont il s’agit : l’omniprésence du doute sur la réalité des mésaventures de Louis Corax démontre que Dompierre a bien compris comment créer le sentiment d’étrangeté et de décalage propre au fantastique. Le roman fait invariablement penser au fantastique japonais qui fut à la mode il y a quelques années, The Ring ou The Grudge : le sentiment de malaise né du fantastique est le même. De plus, Dompierre est un écrivain d’expérience et il amène ses révélations avec doigté, gardant le suspense intact tout au long du récit. Bien sûr, les lecteurs assidus de fantastique devineront certaines révélations avant qu’elles n’apparaissent, car le tout est assez convenu, mais l’auteur maintient l’intérêt grâce à sa plume vive et l’humour qui est sa marque de commerce.

S’il y avait un bémol, ce serait la taille du roman : on aurait apprécié que Dompierre fouille un peu plus l’histoire de ses personnages. La lecture des autres romans de la série n’est pas nécessaire pour lire Corax ; cependant, il est recommandé aux lecteurs de se laisser embarquer dans les autres volumes pour profiter pleinement de chaque des romans de la collection.

Bref, Corax est un court roman qui plaira aux amateurs de fantastique qui vous fera souhaiter que la visite de Stéphane Dompierre en territoire de l’imaginaire ne soit pas qu’une escale !

Mathieu FORTIN

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