Lectures 176

Nathalie Faure et Mathieu Fortin

Exclusif au Volet en ligne (Adobe Acrobat, 1.53Mo) de Solaris 176, Automne 2010

 

Vincent Gessler
Cygnis

Nantes, L’Atalante (La dentelle du cygne), 2010, 250 p.

CouvertureVincent Gessler est un jeune auteur Suisse né en 1976 et Cygnis est son premier roman.

Syn est un trappeur solitaire qui chasse les robots. Il vit le plus souvent dans les bois en compagnie d’Ack, son loup greffé de bandes synthétiques. C’est la fin de l’hiver. Après avoir augmenté sa collection de puces mémoires qui seront monnayables à la foire, il ramasse ses possessions pour se rendre à la grande rencontre printanière de la ville de Méandre. Il y retrouve son ami Dek, un mercenaire devenu trappeur lui aussi.

Alors que la fête bat son plein, la ville est pillée et les femmes sont faites prisonnières. Les villageois déclarent la guerre aux troglodytes, qui ne sortent que la nuit. Dek décide de s’engager comme mercenaire à leurs côtés alors que Syn refuse de tuer des hommes et reprend la route avec Ack. Il a l’espoir secret de retrouver en chemin une femme rousse vue au bar de Méandre, qui occupe ses pensées. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que la plus grande menace est à venir. Une horreur sournoise, tout droit sortie du passé, une machine capable de semer la destruction dans des villes entières en quelques minutes.

«Les hivers sont passés sur le monde, et les étés. L’être humain est mort par milliers, par millions il a gorgé la terre de son sang.»

Année indéterminée. L’humanité est constituée de petites communautés éparses, et continue son jeu préféré: la guerre, sur les ruines de constructions anciennes noyées sous la végétation.

Clairement post-apocalyptique, Cygnis est un roman tendu et lent, souvent descriptif et introspectif, soutenu par un mystère central (les origines de Syn) et pourtant aussi bardé de quelques scènes d’action, de violence où l’on sent presque l’odeur du sang à la lecture. Il y règne une poésie brute, où le sexe n’exclut pas les sentiments.

Les hommes ont survécu à une catastrophe évoquée en filigrane, qui est survenue bien des siècles auparavant. Le désastre initial est resté dans les mémoires par la voie des contes ou via les superstitions ancrées dans les communautés. Certains s’entraident, mais la vie est dure et les femmes savent manier le couteau pour survivre. Les traces du passé sont partout et les fouisseurs fouillent les ruines à la recherche d’artefacts utiles (dont le lecteur devine l’origine plus certainement que les protagonistes). La technologie est encore utilisée, réparée, mais plus produite.

Les personnages sont bien campés, souvent avares de mots face à ce qu’ils traversent. Par contraste, le style de Vincent Gessler est précis et riche, et plonge le lecteur de superbe manière dans cet univers rude. De Gib, le père adoptif de Syn, à Eilly, la fille-en-laye, même les personnages secondaires prennent rapidement une dimension crédible qui sert bien l’intrigue.

Le mystère central ne sera révélé qu’à la toute fin, inattendu, d’une manière peut-être un peu précipitée, qui tranche avec le rythme général du livre. Un défaut de jeunesse, pour ce premier roman, qui n’a pas entamé le plaisir que j’ai pris à la lecture.

L’intrigue pourra sembler globalement un peu légère à certains, mais l’atmosphère est très prenante et entraîne le lecteur sur les sentiers à la suite de Syn.

En conclusion, Cygnis est un excellent premier roman de SF post-apocalyptique où l’espoir pointe sous la dureté des temps, et que je conseille vivement!

Notez que Vincent Gessler est coauteur avec Anthony Vallat de Dimension Suisse, une anthologie aux éditions Rivière Blanche qui regroupe treize auteurs suisses romands (Source: http://www.riviereblanche.com/dimsuisse.htm).

Nathalie Faure

 

Patricia Briggs
Mercy Thompson T.3: Le Baiser du fer
Mercy Thompson T.4: La Croix d’ossements

Paris, Milady, 2010, 416 et 381 p.

Mercy Thompson n’est pas la créature la plus puissante des Tri-Cities, loin de là. La jolie garagiste côtoie allégrement les loups-garous (cf. le tome 1, L’Appel de la lune), les vampires et les démons (cf. le tome 2, Les Liens du sang), mais elle ne possède ni la force physique, ni les pouvoirs des autres créatures surnaturelles.

Elle n’est cependant pas en reste: de descendance amérindienne, elle a la capacité de se transformer en coyote et elle peut voir les fantômes, à défaut de savoir les contrôler. Même sous sa forme humaine, elle bénéficie de sens plus aiguisés que la moyenne: son ouïe et son odorat sont particulièrement développés, tandis que sa vitesse, tant à la course qu’en combat, est décuplée, ce qui compense pour la maigre puissance musculaire de sa forme de coyote.

Dans le premier tome de la série, Mercy devait apprendre à connaître Adam, le mâle alpha de la meute de loup-garou de sa région, et à gérer le problème des loups qui ne souhaitaient pas que leur existence soit révélée au monde entier. Dans le second tome, c’est son ami vampire Stefan qui lui demandait de l’aide pour mettre au rencart un vampire qui s’était associé avec des démons.

CouvertureDans le troisième tome, l’auteure s’attaque à un groupe surnaturel laissé jusque-là en plan dans les aventures de Mercy: les faes. Ces créatures magiques tirées du folklore vivent dans une réserve en bordure des Tri-Cities où le gouvernement américain n’a pas force de loi. Ce sont les Seigneurs Gris qui édictent les lois des faes, et ces lois sont souvent assez simples, punir le meurtre par la mort étant un bon exemple du type de gestion que font les Seigneurs Gris face à des problèmes de nature criminelle.

Or des meurtres ont effectivement eu lieu dans la réserve. Un ami de Mercy, Zee, un des rares faes qui peut supporter de manipuler le métal, lui demande d’utiliser son odorat pour détecter qui a tué les faes assassinées.

Rapidement, Mercy comprendra la clé de l’énigme: après qu’elle ait fait part de ses soupçons à Zee, elle sait que celui-ci n’aura d’autre choix que d’aller voir l’accusé… qui sera retrouvé décapité dans une mare de sang. La police ne sait rien des meurtres sur la réserve, mais elle ne sera pas tendre envers Zee. Ce sera à Mercy de prouver que Zee est innocent, allant même jusqu’à affronter certains Seigneurs Gris eux-mêmes, qui mettent sa tête à prix, car elle en sait trop sur eux.

Avec la protection de la meute de loups-garous menée par Adam, prétendant amoureux de plus en plus insistant, et celle de Samuel, le fils du loup-garou le plus puissant d’Amérique, lui aussi prétendant amoureux de Mercy, la garagiste continuera l’enquête pour prouver l’innocence de Zee, allant jusqu’à se mettre en danger de mort… car le meurtrier des faes s’est emparé d’objets puissants, de ceux dont sont parsemés les contes de fées, qui ne sont pas que des histoires pour les enfants, finalement!

C’est toute une aventure à laquelle nous convie Briggs: dans ce troisième volet, l’action ne se dément pas et la profondeur de l’univers de fantasy urbaine dans lequel évolue Mercy ne surprendra pas le lecteur attentif des premiers volumes, mais comblera sa soif d’en savoir plus. Briggs ne s’encombre pas de descriptions alambiquées: son écriture va droit au but, agrémentant l’os d’assez de chair pour que l’univers décrit soit crédible et cohérent.

Le lecteur s’amusera pendant un moment des aventures de Mercy, qui met les pieds dans les plats grâce à son caractère indomptable, mais l’auteure guidera le lecteur vers un dénouement surprenant qu’elle lui assènera sans lui laisser de répit: une des scènes finales, qui implique une torture psychologique très sombre, pourra choquer certains lecteurs plus sensibles, mais c’est dans ce genre de scènes que la plume vive et efficace de l’auteure permet de faire passer l’émotion sans s’alourdir de détails inutiles.

à la fin du récit, plusieurs points demeurent dans l’ombre et il est difficile d’attendre avant de plonger dans La Croix d’ossements, le quatrième tome des aventures de Mercy.

CouvertureDans La Croix d’ossements, notre héroïne, garagiste de métier, doit vivre avec les conséquences de sa mésaventure aux mains du meurtrier des faes. De peur d’être rejetée par Adam, elle s’isole, incapable d’affronter la meute après ce qui est arrivé. Après tout, le mâle alpha l’a déclarée sa compagne et elle n’est plus digne de ce statut depuis sa relation non désirée avec Tim. Quand bien même elle était sous l’emprise d’un artefact magique fae, elle craint que les loups-garous n’acceptent pas ce qui s’est passé.

Si seulement la honte était son seul problème: des vandales s’en prennent à son garage à la bombe de peinture en aérosol et on grave, sur sa porte, une croix faites d’os. Les vampires sont probablement impliqués: c’est le symbole avec lequel ils identifient les traîtres.

C’est que Mercy a tué l’un des vampires favoris de Marsilia, la reine de l’essaim de vampires des Tri-Cities, et que celle-ci réclame vengeance. Fuyant les représailles et laissant la meute négocier une entente avec les vampires, Mercy décide d’aller aider une ancienne copine de collège, Amber, dont la maison est hantée par un fantôme. Le seul hic, c’est qu’un vampire très dangereux domine la ville de Spokane où se trouve la maison d’Amber.

Mercy décide de s’y rendre quand même, avec la protection de Stefan. Lorsqu’elle réalise que Blackwood, le vampire de Spokane, l’attendait, il est déjà trop tard: avec ou sans la meute, elle devra affronter le vampire (qui peut voler les pouvoirs des autres créatures magiques) pour libérer Amber et sa famille.

Si le troisième tome avait parfois des allures de roman policier, La Croix d’Ossements est un roman à l’intrigue complexe et à plusieurs niveaux. Les lecteurs seront ravis d’apprendre que Mercy a fait son choix amoureux, même si ce fut déchirant, et qu’elle a choisi pour le plus grand bien de tous. On assiste, dans ce tome, aux premières tentatives de relations entre elle et celui qu’elle a élu: c’est avec beaucoup de tendresse et d’humanité que Patricia Briggs présente une Mercy hésitante et en proie à la panique. Aucune scène érotique dans ce bouquin: les relations sont plutôt suggérées que décrites, ce qui est tout à l’honneur de l’auteure. Briggs boucle ici plusieurs intrigues laissées en suspens dans les autres volumes, explorant encore plus les relations entre les personnages avec le brio qu’on lui connaît.

On reprochera à l’éditeur des coquilles apparentes à plusieurs endroits dans les deux volumes, mais elles ne dérangeront pas le lecteur outre mesure, car Briggs réussit à happer son lecteur sans lui laisser aucun répit.

Un cinquième volume paraîtra en français incessamment, bien que les éditions Milady ont rattrapé l’éditeur américain, ce qui implique que le lecteur devra attendre un peu avant de se le mettre sous la dent. Espérons que, pour faire patienter les fans de Mercy, Milady ira de l’avant avec la publication de la série dérivée des aventures de Mercy Thompson, mettant en scène le frère de Samuel, et dont deux volumes sont déjà disponibles en anglais!

Mathieu FORTIN

Mise à jour: Octobre 2010 –

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