Lectures 162

par Pascale Raud et Richard D. Nolane

Exclusif au Volet en ligne (Adobe Acrobat, 1 123Ko) de Solaris 162, Printemps 2007

Mamoru Oshii
Blood, The Last Vampire: La Nuit des prédateurs

Paris, Panini, 2006, 254 p.

[couverture] Dire que je me suis précipitée sur ce roman est un euphémisme. Non pas que je l’attendais avec impatience (je ne savais pas qu’il serait traduit du japonais un jour), mais quand je l’ai vu en rayon, je me suis dit: il est pour moi. Il est important de situer la création du roman: à l’origine, Blood est un animé japonais de 48 minutes sorti en 2000 et qui a été extrêmement populaire. Celui-ci a inspiré un jeu vidéo pour Playstation 2 sorti uniquement au Japon en 2000, un manga également créé en 2000 (paru en français en 2002 aux éditions Panini), et une série animée en 2005. Les rumeurs annoncent un film en Live Action que réaliserait un beau jour Bill Kong (le réalisateur de Tigre et Dragon).

Le personnage principal de l’univers de Blood, The Last Vampire est Saya, une jeune chasseuse mystérieuse au regard de prédatrice glaciale. Autour d’elle gravitent des hommes en noir qui semblent travailler pour une organisation. Que chasse-t-elle? Des créatures de la nuit qui se dissimulent sous une apparence humaine. Qui sont-elles? Le titre nous envoie directement sur la piste des vampires, mais ils n’en sont pas une représentation classique: pas de gousses d’ail protectrices, de crucifix ou de pieux plantés dans le cœur, encore moins de brûlures mortelles dues au soleil. Ici, c’est à l’aide d’un katana que Saya détruit les créatures dont la réelle et hideuse apparence s’apparente plutôt à celle de bêtes sauvages monstrueuses. Saya possède elle-même une force peu commune et un froid instinct de tueuse, ainsi qu’une capacité à sentir la présence des créatures, qui fait d’elle un personnage de plus en plus intéressant. Ses origines nébuleuses se révèlent bien sûr au cours de l’intrigue.

Si le manga (situé de nos jours) et l’animé (situé juste après la Seconde Guerre mondiale) développent beaucoup le personnage de Saya, le roman en fait un personnage secondaire, quoique présent en permanence. L’histoire se situe ici en 1969, période troublée par la contestation estudiantine. Rei est un étudiant activiste témoin d’un meurtre survenu lors d’une manifestation de nuit très violente, et étrangement laissé en vie par les assassins. Il est par la suite contacté par un inspecteur qui cherche à élucider la mort d’étudiants appartenant à un groupuscule extrémiste qu’il pense liés à ce que Rei a vu. Commence alors une enquête officieuse dont Saya est le centre, sans en être réellement la clé.

J’ai personnellement aimé ce roman, même si les quarante pages de débat en milieu de livre – sur le thème des origines de l’Homme et son lien supposé avec les créatures – sont absolument imbuvables et pontifiantes. Il est fort improbable que celui qui ne connaît pas cet univers apprécie ou comprenne de près ou de loin le récit. Il s’agit plutôt d’un apport à ce qui a déjà été largement présenté dans l’animé et le manga (je n’ai pas vu la série). Par certains moments, on s’éloigne même de l’intrigue pour faire de larges digressions qui passent mal. Et il est vrai que l’esthétique sombre de l’univers ne transparaît absolument pas dans l’écriture (mais peut-être est-ce dû à la traduction?)

Bref, un roman pour les passionnés de Blood, The Last Vampire. Pour les autres, on oublie.

Pascale Raud

 

Anthologie de SF espagnole réunie par Sylvie Miller
Dimension Espagne

Encino/Pamiers, Black Coat Press (Rivière Blanche F-01), 2006, 320 p.

[couverture] Pour inaugurer sa nouvelle série internationale «à la fusée», la collection «Rivière Blanche» publie une anthologie de science-fiction espagnole sous la direction de Sylvie Miller, grande spécialiste de la chose. Syvie Miller a aussi assuré la traduction de l’ensemble des nouvelles, ainsi que la rédaction des présentations des auteurs et de l’essai en fin de volume sur l’histoire de la SF en Espagne. Ces onze textes, souvent assez longs, ont tous été déjà publiés séparément en revues et anthologies en France, mais l’intérêt est de les voir tous réunis ici dans un même livre à la présentation réussie.

Et l’ouvrage est aussi bon qu’il est beau! Pour moi qui ne connaissais pas grand-chose à la SF espagnole en dehors d’un roman de Domingo Santos dans le «Présence du futur» des années 1960 et de quelques nouvelles parues il y a bien longtemps déjà dans la revue Antares de Jean-Pierre Moumon, la lecture de cette anthologie a fait figure de révélation… On y découvre en effet une SF vivante, d’une excellente tenue littéraire, faisant preuve d’une imagination impressionnante et parfaitement servie par les traductions de Sylvie Miller.

Dimension Espagne est indiscutablement survolée par Juan Miguel Aguilera, que ce soit par le nombre de textes (trois nouvelles couvrant à elles seules 115 des pages bien remplies du volume) ou la qualité de ceux-ci. On découvre ici un écrivain capable de renouveler aussi bien le space opera («La Forêt de glace») que le voyage temporel («Dernière Visite avant le Christ»), quand ce n’est pas de rendre un des hommages les plus étonnants à Jules Verne qu’il m’ait été donné de lire avec «Voyage au centre de l’univers». Un auteur inventif et brillant, donc, qui est également un illustrateur de talent puisque c’est lui qui signe la couverture de l’anthologie!

Prendre la suite de Juan Miguel Aguilera, qui ouvre le livre, relève un peu du défi pour les autres auteurs. Parmi les textes les plus marquants, on trouve une histoire policière dans un univers entièrement peuplé de vieillards plus que centenaires («Champs d’automne», de Daniel Mares), une sombre et originale affaire de clones («Les Réapparus», d’Elia Barceló), une nouvelle démente sur les méfaits du voyage dans le temps digne de Robert Sheckley («Mein Fuhrer», de Rafael Martin) ou encore une évocation de fin du monde pleine d’amertume qui semble tout droit venir des pages du Galaxy américain des années 1950, «Une Terre pleine de question», d’Eduardo Vaquerizo.

Ce livre étonnant, et qui vaut bien son prix de 20 euros (l’équivalent de 30 dollars canadiens), n’étant pas distribué au Québec, le plus simple est encore de le commander à son valeureux «petit» éditeur en passant par le site de celui-ci, que les lecteurs de Solaris peuvent d’ailleurs trouver sur le site de la revue: www.riviereblanche.com

Richard D. Nolane

Mise à jour: Mars 2007 –

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